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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/204

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son captif, de me rendre ici ? Ce n’était pas pour qu’elle me chassât de nouveau de sa présence, mais pour qu’elle me relevât du bannissement auquel elle m’avait condamné avant ce jour. En qui aurai-je donc foi ? Où est la vérité ? Qui donc est sans fausseté ? Dans quel lieu ne trouverai-je pas d’imposteurs ? Où rencontrerai-je un franc ennemi, un véritable ami ? Quel est le pays où la trahison est inconnue ? Hélas ! pourquoi m’avoir donné une espérance qui me conduit à ma perte ?

Mélibée. Cessez vos plaintes, seigneur, mon cœur ne peut les supporter, mes yeux ne peuvent y résister. Vous pleurez de désespoir et m’accusez d’être ingrate ; je pleure de plaisir en vous voyant aussi fidèle ! Ô mon seigneur et tout mon bien ! combien il me serait plus agréable de voir votre visage, que d’entendre votre voix ! Mais comme en ce moment il ne peut se faire davantage, recevez la confirmation des paroles que je vous ai envoyées écrites sur la langue de cette diligente messagère. Tout ce que j’ai dit, je le certifie, je le tiens pour vrai et j’en accepte les résultats. Essuyez vos larmes, seigneur, ordonnez de moi selon votre volonté.

Calixte. Ô madame ! espérance de ma gloire, repos et soulagement de ma peine, joie de mon cœur ! Quelles paroles suffiraient à vous rendre grâces de l’incomparable merci que vous voulez bien me faire en ce moment si heureux pour moi ? Vous daignez permettre à un homme aussi humble que je le suis de jouir de tout le bonheur de votre amour ! Je m’en jugeais indigne, quoique je le désirasse ardemment, lorsque je considérais votre position, lorsque je voyais votre perfection, lorsque je contemplais votre gentillesse, lorsque je pensais à mon peu de mérite et à votre grand mérite, à votre grâce extrême, à vos vertus si vantées et si évidentes. Ô grand Dieu ! comment pourrais-je être ingrat envers toi, qui as si miraculeusement mis en œuvre pour moi tes immenses