Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/205

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merveilles ! Oh ! qu’il y a longtemps que cette pensée naquit en mon cœur, mais je la repoussais comme impossible. Puis les éclatants rayons de votre extrême beauté frappèrent mes yeux, enflammèrent mon âme, agrandirent mon mérite, chassèrent ma timidité, détruisirent mon hésitation, doublèrent mes forces, dégourdirent mes pieds et mes mains, enfin me donnèrent une telle audace, que leur pouvoir immense m’a conduit au suprême bonheur d’entendre de votre bon gré les accents de votre voix divine. Si je ne l’eusse pas connue avant ce jour, si je n’en eusse pas reçu les salutaires émanations, je me croirais encore le jouet de quelque maléfice ; mais je suis persuadé de votre franchise, je sais que c’est bien à vous que je parle, et je me demande si c’est bien à moi, Calixte, qu’arrive tant de bonheur.

Mélibée. Seigneur Calixte, votre immense mérite, votre grâce extrême, votre haute naissance, ont agi sur moi de telle sorte, que, dès que je vous ai connu, vous ne vous êtes pas un instant éloigné de mon cœur. Bien longtemps j’ai combattu pour le dissimuler ; mais lorsque cette femme m’a remis votre doux nom dans la mémoire, je n’ai pu avoir assez de force pour ne pas lui découvrir ma passion et pour ne pas consentir à me rendre en ce lieu, où je vous supplie d’ordonner et de disposer de ma personne selon votre volonté. Maudite soit cette porte qui s’oppose à notre bonheur ! Maudits soient ses verrous et ma faiblesse ! Sans les cruels obstacles qui nous séparent, vous ne vous plaindriez pas, et je cesserais d’être mécontente.

Calixte. Comment, madame ! vous voulez que je permette à un morceau de bois de mettre empêchement à notre satisfaction ? Je n’eusse jamais cru avoir à combattre autre chose que votre volonté. Ô portes fâcheuses et importunes ! Dieu veuille que vous soyez la proie d’un feu semblable à celui qui me dévore ! le tiers seulement vous consumerait en un instant. Pour