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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/225

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connaître ? Peut-être pour se défendre les a-t-il blessés ou a-t-il été blessé par eux. Peut-être encore les chiens de garde l’ont-ils mordu de leurs dents cruelles (car ils ne savent faire aucune différence, ni avoir aucun respect pour personne). S’il était tombé sur la chaussée ou dans quelque fossé, et s’il s’était fait mal ! Malheureuse que je suis ! quels peuvent être ces obstacles que redoute mon amour et qu’exagère sans doute mon imagination attristée ? Plaise à Dieu qu’aucune des choses que je crains ne lui arrive ! Qu’il reste plutôt sans me voir aussi longtemps qu’il lui plaira. Mais écoute, écoute, des pas se font entendre dans la rue, et il semble qu’on parle de ce côté du verger.


Sosie. Pose ici l’échelle, Tristan, c’est le meilleur endroit, quoiqu’il soit élevé.

Tristan. Montez, seigneur, j’irai avec vous, car nous ne savons pas qui est là dedans. J’entends parler.

Calixte. Restez là, j’entrerai seul, j’entends ma dame.


Mélibée C’est votre esclave, votre captive ; c’est celle qui fait plus de cas de votre vie que de la sienne. Ô mon seigneur ! ne sautez pas d’aussi haut, car je meurs de frayeur. Descendez, descendez peu à peu, par l’échelle ; ne vous hâtez pas tant.

Calixte. Ô angélique image ! Ô perle précieuse près de laquelle le monde entier est laid ! Ô ma dame et ma gloire, je vous tiens dans mes bras et ne le crois pas ! Le plaisir me trouble de telle sorte, que je ne puis apprécier toute la joie que j’éprouve.

Mélibée Mon doux seigneur, puisque je m’abandonne entre vos mains, puisque je me soumets à votre volonté, que je ne sois pas de pire condition pour être dévouée, que si j’étais dédaigneuse et sans miséricorde ; ne veuillez pas me perdre pour un plaisir aussi court et en si peu de temps. Quand le mal est