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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/23

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vain qui ménageait peu les prêtres et qui parfois peignait les mœurs populaires avec un peu trop de crudité. Mais il n’appartenait pas aussi bien à un bachelier ès lois, à un juriste, à un homme de robe, presque ecclésiastique, de concevoir la première idée d’une œuvre aussi libre, aussi indécente dans ses détails, malgré la moralité du but, malgré la philosophie du fond.

Donc Rojas, ayant formé le plan de la Célestine, lança le premier acte seul de son œuvre et ne l’avoua pas. Il voulut sonder le terrain, captiver l’attention, solliciter l’intérêt, faire regretter qu’œuvre si bien entreprise restât inachevée, et ce but une fois atteint, il reprit la plume, ajouta d’abord quinze actes, puis cinq autres, au premier, et les abandonna au sort de leur aîné. Puis lorsque le succès de l’œuvre vint excuser et justifier la hardiesse de la conception ; lorsque l’admiration de tous proclama indulgence pour les détails en faveur du fond, en faveur du but, en faveur de l’intérêt et de l’esprit de l’ouvrage ; lorsque unanimement on rendit grâces au continuateur, Rojas se nomma, mais seulement continuateur.

C’était agir en homme adroit, et je ne pense pas que l’écrivain qui a tracé le quatrième acte de la Célestine eût pu agir différemment.

Cette opinion pourra paraître hardie à tous ceux qui veulent qu’en affaires bibliographiques on se borne à parler d’après des faits, sans s’égarer dans les domaines de l’imagination ; mais je

    au mérite de Rojas ; j’ai cité plus haut sa lettre à un ami :
    « Qu’on sache que non-seulement j’ai passé à cela quinze jours de vacances, mais plus de temps encore, et d’un temps moins agréable. »