Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/24

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me sens fort de l’opinion d’hommes instruits, de savants écrivains espagnols qui ont longtemps étudié la Célestine, qui ont analysé cette œuvre remarquable et comparé le style des deux parties. Appuyé sur ces probabilités en faveur de l’opinion que j’émets, je n’hésite pas à inscrire en tête de ce livre le nom de Rojas, comme celui de l’unique auteur.

Il est fort pénible, du reste, qu’aucun biographe ne se soit occupé de Fernando de Rojas avec détail, et que pas un savant, pas même Nicolas Antonio, qui a parlé dans sa Bibliothèque espagnole de bon nombre d’écrivains obscurs, ne nous ait transmis quelques renseignements sur la vie et les travaux du continuateur de la Célestine. Il est difficile de croire qu’un génie aussi remarquable se soit arrêté là.

En admettant la donnée que je viens de poser, on ne peut s’empêcher de reconnaître qu’il y avait en effet chez Rojas une immense adresse, et que la curiosité publique ne pouvait être plus vivement stimulée qu’elle ne le fut lorsque parut le premier acte de la Célestine. Dès les premières pages l’intérêt se trouve heureusement partagé entre les divers personnages de la scène, et c’est déjà un chef-d’œuvre que d’avoir pu, avec un sujet aussi peu moral, avec une honteuse intrigue, exciter l’intérêt, remuer un siècle, se faire lire par tous les peuples et, mieux encore, par toutes les femmes. Aujourd’hui même, la Célestine, retouchée selon les principes de l’art dramatique, dégagée de ces longueurs, de ces interminables descriptions qui portent le cachet du genre espagnol, serait une œuvre digne de la scène et exciterait certainement l’intérêt.