Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/241

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fraternité ne sont pas du vent et qu’on peut y recourir quand vient l’adversité. Je serais disposée à l’accepter afin de jouir de ta douce compagnie, mais cela ne peut se faire à cause du tort qui en résulterait pour moi. Je n’ai pas besoin de t’en dire la cause, car je parle à qui m’entend ; mais là-bas, sœur, je suis connue. Jamais cette maison ne perdra le nom de Célestine, que Dieu garde ! Toujours arrivent là des jeunes filles connues et qui me sont alliées ; c’est là qu’elles prennent leurs ébats, et il m’en revient toujours quelque chose. Le petit nombre d’amis qui me reste ne me connaît pas d’autre demeure. Tu sais combien il est pénible de quitter ses habitudes ; changer de manière, c’est presque la mort ; d’ailleurs pierre qui roule n’amasse pas mousse. Je resterai là-bas afin du moins que le loyer de la maison, qui est payé pour l’année, ne soit pas inutilement perdu. Bien que chaque chose ne suffise pas par elle-même, ensemble elles aident à vivre.

Il me semble qu’il est temps de m’en aller, je me charge de ce que je t’ai dit.

Dieu te garde, je pars.




ACTE SEIZIÈME113


Argument : Plebère et Alisa, pensant que leur fille Mélibée a conservé le don de la virginité, ce qui n’est pas, selon ce qu’il a paru, tiennent conseil sur son mariage. Mélibée conçoit une telle peine des paroles qu’elle entend dire à ses parents qu’elle envoie vers eux Lucrèce afin que sa présence interrompe leur conversation.


PLEBÈRE, ALISA, LUCRÈCE, MÉLIBÉE.

Plebère. Alisa, ma mie, il me semble que le temps, comme on dit, nous coule dans les mains ; les jours passent comme l’eau du fleuve, il n’y a chose