Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/242

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au monde plus légère à la fuite que la vie : la mort nous suit, tourne autour de nous, ne nous quitte pas un instant : nous dormons sous sa bannière, selon les lois de la nature. Tout cela est bien évident si nous regardons auprès de nous nos frères et nos parents : la terre les mange tous, tous sont dans leurs éternelles demeures. Nous ne savons quand nous serons appelés, mais, en voyant des signes aussi positifs, nous devons nous tenir sur nos gardes et disposer nos besaces pour faire ce chemin obligé, afin que la voix cruelle de la mort ne nous prenne pas à l’improviste et en sursaut. Préparons nos âmes peu à peu, car il vaut mieux prévenir qu’être prévenus ; donnons notre bien à un doux successeur, donnons à notre fille unique la compagnie d’un mari tel que le veut notre position, afin que nous quittions ce monde avec tranquillité et sans aucun regret.

Mettons-nous donc activement à l’œuvre dès à présent, mettons à exécution ce que nous avons tant de fois commencé ; que notre fille ne soit pas par notre faute abandonnée à des tuteurs ; elle se trouvera mieux dans sa maison que dans la nôtre. Nous devons l’arracher aux langues du vulgaire, car il n’y a aucune vertu, si parfaite qu’elle soit, qui n’ait des envieux et des médisants114. Il n’y a rien qui conserve mieux la pureté de la réputation chez les jeunes filles qu’un mariage fait de bonne heure. Qui refusera notre parenté dans toute la ville ? Qui ne se trouvera joyeux de recevoir un tel joyau en sa compagnie ? Un joyau qui réunit les quatre principales conditions qu’on recherche dans un mariage : d’abord, savoir, honnêteté et virginité ; secondement, beauté ; en troisième lieu, haute origine et nobles parents ; enfin, richesse. La nature l’a douée de tout cela ; quelque qualité qu’on lui demande, on la trouvera accomplie chez elle.

Alisa. Dieu la conserve, mon seigneur Plebère ! que nos désirs se réalisent pendant que nous vivons ! Je pense qu’il ne se trouvera guère personne d’égal à