entière d’un sot118. Je vais me débarrasser du deuil, quitter la tristesse, renfoncer mes larmes, qui étaient si disposées à sortir. Pleurer est la première chose que nous faisons en naissant ; je ne m’étonne pas qu’il soit si facile de commencer et si difficile de cesser. Après tout, le bon sens sait en faire raison et donner du courage, quand on voit surtout qu’on se perd, que les ornements embellissent la femme lors même qu’elle n’est pas belle, rajeunissent la vieille et rendent encore plus jeune celle qui l’est déjà. La couleur et le blanc ne sont pas autre chose qu’une glu à laquelle se prennent les hommes. En avant donc mon miroir et mon fard ! J’ai les yeux affreux ; en avant mes toques blanches, mes gorgerettes brodées, mes robes de plaisir ! Je veux préparer une lessive pour mes cheveux, qui perdaient déjà leur couleur blonde ; cela fait, je compterai mes poules, je ferai mon lit, car la propreté égaye le cœur ; je balayerai le devant de ma porte et j’arroserai la rue afin que les passants voient qu’ici il n’y a plus de douleur. Mais auparavant je veux aller voir ma cousine, lui demander si Sosie a été chez elle, car je ne l’ai pas vu depuis que je lui ai dit qu’Areusa voulait lui parler. Dieu veuille que je la trouve seule, car jamais les galants ne la quittent : c’est comme une bonne taverne d’ivrognes. La porte est fermée, il ne doit pas y avoir d’homme, je frappe. Tac, tac.
Areusa. Qui est là ?
Élicie. Ouvre, amie, je suis Élicie.
Areusa. Entre, ma sœur, Dieu te voie ! tu me fais grand plaisir de venir ainsi sans tes vêtements de deuil. Maintenant nous nous réjouirons ensemble, maintenant je te visiterai, nous nous verrons chez moi et chez toi ; peut-être la mort de Célestine aura-t-elle été un bien pour nous deux ; je me sens déjà plus à mon aise qu’avant. C’est pour cela qu’on dit que les morts ouvrent les yeux des vivants, les uns avec leurs biens, les autres avec la liberté. C’est ce qui t’arrive.
Élicie. On frappe à la porte ; on nous a laissé peu