Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/26

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pour la toilette, des eaux pour donner aux cheveux cette teinte dorée si estimée en Espagne, et ces magiques figures de cire si souvent employées dans les sortiléges de la Voisin et de la Brinviliers, et que la bonne vieille réclamerait sans doute l’honneur d’avoir inventées, si elle revenait en ce monde[1].

Sous un climat ardent comme celui de l’Espagne, pendant une époque de transition où les mœurs renonçaient au genre chevaleresque pour devenir dissolues, la maison de l’entremetteuse ne pouvait désemplir. Sa clientèle était immense, et un matin un riche et beau seigneur, Calixte, devenu subitement amoureux d’une jeune fille de noble famille, sa voisine, fit appeler la sorcière et lui promit des monceaux d’or si elle venait à bout de satisfaire ses impatients désirs et d’amener dans ses bras la belle Mélibée. De telles entreprises sont des jeux pour une femme comme Célestine. Stimulée par les offres brillantes de Calixte, poussée par les continuelles sollicitations de Sempronio, le valet favori du jeune seigneur, elle s’élance tête baissée au-devant des dangers et des obstacles, et s’introduit dans la maison qu’habite la jeune fille, à l’aide d’un de ces moyens spécieux dont elle ne se fait faute. Ses maléfices et le diable aidant, elle se trouve seule avec elle, et là se déroule une scène admirable où elle met en jeu toutes ses ressources, toutes ses ruses, toute son

  1. La Célestine est aujourd’hui du nombre de ces mythes populaires qu’éternise la tradition, et en Espagne, dans le langage familier, les polvos de la madre Celestina sont aussi célèbres que la merveilleuse poudre de perlimpinpin de nos escamoteurs. Il y a une pièce à spectacle de don Eugenio Hartzembusch, imitation des Pilules du Diable, qui porte ce titre : los Polvos de la madre Celestina.