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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/25

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Le personnage principal est un caractère tracé de main de maître et auquel il n’y aurait rien à ajouter, malgré ses quatre siècles. Célestine est une de ces vieilles femmes qui de filles de joie sont devenues entremetteuses ; qui, ne pouvant plus faire l’amour pour leur compte, le font et le professent pour le compte des autres. Elle tient maison ouverte, académie d’amour, où viennent s’ébattre les jeunes filles ses élèves et les valets de bonne maison ; où moines et évêques, cavaliers et vilains, clercs et laïques entretiennent des pensionnaires et payent tribut à la complaisance et aux bons soins de la vilotière. — Quelque peu sorcière, cousine et intime amie du diable, Célestine commet en secret nombre de méfaits que ne pardonne pas la justice, et de temps à autre elle renouvelle connaissance avec la berne et le pilori pour quelques petits péchés de magie. Fine et rusée commère, adroite et hypocrite autant qu’entremetteuse le fut jamais, il n’est pas une honnête maison où elle n’ait accès, il n’est pas un jeune seigneur dont elle ne soit la confidente et la messagère, pas une jeune fille dont elle ne soit le démon tentateur. Elle fréquente aussi hardiment les parvis des églises, les cloîtres des couvents que les ruelles obscures de la ville, les alcôves des riches seigneurs et les cimetières voisins, dans lesquels, à l’heure de minuit, elle essaye des maléfices et tient conseil avec les esprits malfaisants.

Le taudis où elle demeure est un laboratoire qui ne le cède en rien à tous ceux qui ont été créés depuis elle et dont pas un de nos romans modernes ne se refuse la description. Là elle compose des philtres pour faire aimer, des baumes, des onguents