Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/28

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fourmillent les comédies espagnoles, un tueur de profession soudoyé par l’une d’elles comme les courtisanes soudoient leurs soutiens, promet de s’associer à leur vengeance. Il fait attaquer les valets de Calixte, qui font le guet pendant que leur maître tient amoureuse conversation avec sa belle. Calixte accourt pour prêter main-forte à ses gens, il escalade un mur, tombe et se brise la tête.

Mélibée veut rejoindre son amant, mourir comme lui précipitée ; elle monte au sommet d’une tour, fait venir son père, lui raconte avec une sublime éloquence l’histoire de sa séduction, celle de son déshonneur, la mort de son amant, puis elle s’élance et tombe morte à ses pieds.

Telle est la Célestine ; mais après cette courte analyse, il nous faut signaler cette richesse dans les détails, ces scènes pleines d’esprit, de finesse, d’observation, qui sont encore aujourd’hui des modèles pour les littérateurs ; ce piquant portrait de Célestine fait par Parmeno, le page de Calixte ; cette description plaisante de l’officine de la sorcière ; ce dialogue sublime de lâcheté entre deux des valets de Calixte, pendant un rendez-vous de leur maître ; cette scène où la vieille met en œuvre tout ce qu’elle a d’adresse et de diplomatie pour séduire Mélibée ; tous ces caractères si bien variés, si vrais, d’effrontées courtisanes, de valets insolents et menteurs ; ce spadassin fanfaron ; cette jeune fille si pure, si naïve, si innocente, même après sa faute ; ce jeune seigneur noble, généreux, enthousiaste comme un vrai Castillan ; enfin cette abondance de fines reparties, de sentences profondes, de proverbes, qui me porte à avancer que Cervantes s’est inspiré de la Céles-