tine en maint passage de son œuvre célèbre, et que Sancho Panza est quelque arrière-petit-fils de l’adroite courtisane. « Il est difficile, a dit un de nos écrivains[1], de mettre plus de vérité dans les portraits, plus d’esprit dans la satire, d’être plus fin et plus coloré, de mieux dissimuler par l’habileté du travail la laideur et le vice de la vieille et les redites éternelles d’un amour poussé jusqu’à la folie. Il fallait une rare fécondité d’esprit pour obtenir des résultats semblables. Malgré la monstruosité apparente de la forme et du fond, c’est un chef-d’œuvre. »
Faut-il maintenant accepter d’une manière absolue ce jugement de l’éminent critique : « La monstruosité de la forme et du fond ? » Rojas voulut faire de la Célestine une œuvre morale, il le déclare dans son prologue, dans sa lettre à un ami, dans quelques vers qui tiennent lieu d’épilogue au drame ; il l’écrivit pour « faire connaître aux jeunes gens tout ce qu’il y a de ruse et de fausseté chez les valets et les entremetteuses ; » il la conçut « pour la multitude de galants et jeunes amoureux que renferme l’Espagne et dont la jeunesse est en butte aux tourments de l’amour, faute d’armes défensives pour les combattre. » Mais il pensa que « de même qu’il est nécessaire de tromper le goût du malade auquel on présente quelque amère pilule, de même il lui fallait aussi déguiser sa plume, l’entourer de récits tantôt joyeux, tantôt lascifs, détourner l’attention de ses malades et les soigner, les instruire en les amusant. » Aussi des admirateurs enthousiastes
- ↑ M. Philarète Chasles. (Journal des Débats, 3 octobre et 12 novembre 1839.)