Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cru devoir aux conventions de notre siècle de voiler une seule des expressions franches et nettes dont j’ai parlé plus haut. S’il est certains mots exclus de notre langage depuis Molière, on ne les a pas effacés de ses écrits, on les prononce avec lui, et ce serait œuvre sacrilège que se torturer l’esprit pour les éviter.

« Je suis, m’écrivit Charles Nodier, lorsque parut la première édition de ce livre, je suis de ceux qui n’ont pas répugné aux hardiesses un peu cyniques d’une version consciencieusement littérale ; un traducteur manquerait essentiellement aux devoirs d’exactitude et de fidélité qu’un ministère exigeant lui impose, en atténuant, sous les nuances fardées d’une phraséologie prude ou coquette, les couleurs crues, hardies et souvent grossières de son texte. Les scrupules d’un langage timidement épuré sont, aux licences ingénues du moyen âge, ce qu’est le badigeonnage aux vieux édifices. »

Je n’ai donc pas tenté, comme l’a fait le sire de Lavardin, « de repurger les endroits scandaleux qui pouvaient offenser les religieuses oreilles ». Je n’ai nullement songé non plus à « mettre du mien dans les endroits qui me semblaient manqués ». Le traducteur n’est ni correcteur ni interprète, il est copiste et reproducteur ; il doit, lorsqu’il s’agit d’un livre de la valeur de la Célestine, en respecter même les fautes et s’estimer heureux quand il parvient à en conserver les beautés.

A. Germond de Lavigne,
De l’Académie espagnole.