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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/41

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lisais, plus j’avais besoin de le lire, chaque fois il me plaisait davantage et j’y remarquais de nouvelles sentences. Je vis que non-seulement cet ouvrage était agréable dans son sujet principal ou fiction tout à la fois, mais encore que de quelques-unes de ses parties ressortaient de délectables sources de philosophie et de mots agréables, des avis et des conseils contre les serviteurs faux et méchants, contre les prétendues sorcières. Je remarquai qu’il ne portait pas de signature d’auteur. Et, en effet, les uns l’attribuent à Juan de Mena, les autres à Rodrigo Cota ; mais quel que soit celui qui l’a écrit, sa subtile imagination, la grande quantité de sentences heureuses et profondes qu’il a semées dans son travail, le rendent digne d’un éternel souvenir. C’était un grand philosophe ! Et cependant, dans la crainte des détracteurs et des méchants, plutôt capables de critiquer que d’imiter, il voulut cacher son nom. Ne me blâmez pas si je n’ai pas signé le mien après avoir achevé ce qu’il avait commencé, mais je suis juriste, et quoique ce soit œuvre sérieuse, elle est étrangère à ma faculté. Ceux à qui je me suis confié pourront dire que je ne l’ai pas faite pour me distraire de mes occupations principales (qui m’intéressent beaucoup, comme c’est la vérité), mais plutôt que ce travail nouveau m’a forcé malgré moi à négliger l’étude des Droits. Si je n’atteins pas le but que je me suis proposé, ce sera la punition de mon audace. Qu’on veuille bien se souvenir que j’ai employé à cet ouvrage, non-seulement quinze jours de vacances que mes collègues étaient allés passer chez eux, mais plus de temps encore et d’un temps moins agréable. C’est pour me justifier des reproches que vous pourriez m’adresser, ainsi que tous ceux qui me liront, que j’ai écrit les vers qui suivent. Et afin que vous sachiez où commencent mes mauvais bavardages, souvenez-vous que tout ce qui est de l’ancien auteur a été réuni sans division dans un seul acte, ou scène, jusqu’au second acte qui commence par ces mots : « J’ai donné, etc. » Vale.