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Ô dames et matrones, jeunes gens et maris,
Ne perdez jamais de vue cette triste aventure !
Tenez sous vos yeux le souvenir de cette fin désastreuse ;
À d’autres pensées qu’à l’amour consacrez vos loisirs ;
Livrez à ceux qu’il aveugle le secret de sa tyrannie ;
Vivez avec prudence, avec sagesse et chasteté
Afin d’être toujours heureux. Et que le dieu Cupidon
Ne vous prenne jamais pour but de ses flèches dorées.





PROLOGUE
de la troisième édition (séville, 1501).


Héraclite le Sage, dans le chapitre intitulé Omnia secundum litem fiunt, dit que toutes les choses de ce monde ont été créées pour être sans cesse en opposition. C’est, selon moi, une sentence digne d’être éternellement proclamée. La parole du sage est un arbre immense, et le moindre de ses rameaux produit plus de fruits qu’il n’en faut pour nourrir l’esprit des personnes les plus intelligentes. Mon faible savoir me donne à peine le droit de ronger l’écorce des paroles de ces hommes célèbres entre tous, et le peu que j’en retirerai me conduira du moins au but que je me propose dans ce prologue.

La sentence que je viens de citer a été reproduite par Francisco Pétrarque, le grand orateur, le poëte lauréat, lorsqu’il dit : « Sine lite atque offensione nihil genuit natura parens : La nature, notre mère, n’a rien engendré sans querelle et sans opposition. » Il écrit plus loin : Sic est enim et sic propemodum universa testantur : rapido stellæ obviant firmamento ; contraria invicem elementa confligunt ; terræ tremunt ; maria fluctuant ; aer qualitur ; crepant flammæ ; bellum immortale venti gerunt ; tempora temporibus concertant ;