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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/45

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secum singula, nobiscum omnia. Ce qui signifie : « Ce fait est vrai et tout en porte témoignage : les étoiles se rencontrent dans leur course rapide au milieu du firmament ; les éléments opposés se combattent ; les terres tremblent ; les mers se soulèvent ; l’air frémit ; les flammes pétillent ; les vents se font une guerre éternelle ; les temps s’opposent aux temps ; chaque chose lutte contre une autre, et toutes contre nous. » L’été nous accable par son excessive chaleur, l’hiver par le froid et les frimas ; ces événements, que nous regardons comme une révolution naturelle de la température, ces variations au milieu desquelles nous nous soutenons, avec lesquelles nous nous élevons, avec lesquelles nous vivons, s’ils deviennent plus fréquents ou plus animés que de coutume, qu’est-ce, sinon la guerre ? Et combien ne devons-nous pas craindre, quand la nature emploie pour nous combattre les tremblements de terre et les tourbillons, les naufrages, les incendies causés par le feu du ciel ou la main des hommes, les orages, les grondements du tonnerre, les coups terribles de la foudre, les courses des nuages, phénomènes si difficiles à expliquer que, pour en connaître la cause, il ne se fait pas moins de tumulte dans les écoles des philosophes qu’au milieu des flots de la mer !

Parmi les animaux, il ne manque aucun genre de querelles : les poissons, les oiseaux, les bêtes sauvages, les reptiles, tous se font la guerre ; chaque espèce en poursuit une autre. Le lion attaque le loup, le loup la chèvre, le chien le lièvre ; et si cela n’avait pas l’air d’une légende du coin du feu, je pousserais plus loin cette énumération. L’éléphant, cet animal si puissant et si fort, s’épouvante et fuit à la vue d’une misérable souris, il tremble rien qu’à l’entendre. Parmi les serpents, la nature a fait le basilic si venimeux et si redoutable, que son sifflement effraye tous les animaux ; son approche les met en fuite ; son regard les tue. Lorsque arrive pour la vipère la saison de l’amour, la femelle prend dans sa bouche la tête du mâle et la presse de telle force pendant les jouissances de la con-