Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/48

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Aussi quand se réuniront, pour entendre cette comédie, dix personnes différentes de caractère, comme il arrive toujours, pourra-t-on nier qu’il n’y ait ample motif de division dans une chose qui s’explique de tant de manières ? Les imprimeurs eux-mêmes ont voulu y mettre leur cachet et placer des sommaires en tête de chaque acte, pour raconter en peu de mots ce qu’il contient, chose fort inutile, bien que les anciens auteurs l’aient faite. Quelques personnes se sont disputées sur le titre, disant qu’on ne devait pas appeler cet ouvrage comédie, puisqu’il finit si tristement, mais bien tragédie. Le premier auteur, qui l’avait commencé gaiement, voulut y mettre un titre conforme en l’appelant comédie, et moi, voyant tant de discussions et d’opinions diverses, je tranchai la querelle en appelant le tout tragi-comédie. Je cherchai ensuite à savoir ce qu’attaquaient le plus les critiques et les juges, et je trouvai qu’on voulait que les scènes entre les amans fussent un peu plus prolongées. Cette exigence me tourmenta beaucoup, je m’y rendis, quoique contre ma volonté ; je condamnai de nouveau ma plume à un travail si étrange et si contraire à mes devoirs ; je dérobai quelques-uns des instants consacrés à mes études principales et même à mes plaisirs ; et cependant les détracteurs ne manqueront pas à cette nouvelle édition.