Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/72

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descendre, Sempronio et la vieille ont dit à dessein ce que vous venez d’entendre ; et c’est sur ces fausses paroles que vous fondez tout votre succès.

Sempronio, à la porte. Célestine, ce que dit Parmeno ne sonne pas bien.

Célestine. Tais-toi, par ma patronne, où est venu l’âne viendra aussi le bât. Laisse-moi là Parmeno, je le gagnerai à notre cause ; de ce que nous aurons nous lui donnerons sa part ; les biens ne sont des biens que s’ils sont partagés. Gagnons tous, partageons tous, jouissons tous ; je te l’amènerai doux et humble à manger dans la main ; nous serons deux à deux ou, comme on dit, trois contre un.

Calixte, dans l’intérieur. Sempronio !

Sempronio. Seigneur ?

Calixte. Que fais-tu, clef de ma vie ? Ouvre. — Ô Parmeno, je la vois, je suis sauvé, je renais. Vois, quelle révérende personne, quelle tenue ! Qu’il est facile, en mainte occasion, de juger par la physionomie des qualités intérieures ! Ô vertueuse vieillesse ! Ô vertu sur le retour ! ô glorieuse espérance d’un heureux succès ! ô succès de ma douce espérance ! ô salut de ma passion, terme de mon tourment, régénération inespérée, vivification de ma vie, résurrection de ma mort ! Je brûle d’être près de toi, je suis impatient de baiser ces mains pleines de salut. L’indignité de ma personne m’en empêche. D’ici j’adore la terre que tu foules et je la baise en ton honneur.

Célestine, à part. Sempronio, ce n’est pas de cela que je vis. Ton imbécile de maître pense-t-il me nourrir des os que j’ai rongés ? J’attends autre chose de lui, nous le verrons à l’œuvre. Dis-lui de fermer la bouche et de commencer à ouvrir la bourse ; je doute des œuvres et encore plus des paroles. Attends que je te gratte, ânesse paresseuse25 ? Tu aurais mieux fait te lever matin.

Parmeno, à part. Malheur aux oreilles qui entendent de pareilles choses ! Il est perdu celui qui hante les