Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/87

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Calixte. Ce que dit l’imbécile vaut bien quelque chose. — Je veux que tu saches que quand il y a une immense distance de celui qui demande à celui qu’il implore, soit par vénération, soit par supériorité de position, soit par la différence des naissances, comme il existe entre cette dame et moi, il faut un médiateur. Il me faut quelqu’un qui se charge de transmettre mon message aux mains de celle à laquelle je crois impossible de parler une seconde fois. Puisqu’il en est ainsi, dis-moi si tu m’approuves.

Parmeno. Le diable le fasse !

Calixte. Que dis-tu ?

Parmeno. Je dis, seigneur, que jamais une faute ne va seule, qu’une imprudence en amène toujours d’autres.

Calixte. Cette remarque est vraie, mais je n’en comprends pas le motif.

Parmeno. Seigneur, la perte de votre faucon l’autre jour vous a conduit dans le verger de Mélibée ; cette recherche vous a donné occasion de la voir et de lui parler ; la conversation a amené l’amour, l’amour a engendré votre peine, la peine causera la perte de votre corps, de votre âme et de votre fortune, et ce qui m’afflige le plus dans tout cela, c’est que vous soyez la victime de cette trotteuse de couvents38, qui a déjà été emplumée trois fois39.

Calixte. Parle hardiment, j’en suis bien aise ; mais plus tu m’en dis du mal, plus elle me plaît. Qu’elle en finisse avec moi, et qu’on l’emplume une quatrième fois. Tu parles à ton aise, tu juges sans passion, mais tu ne souffres pas comme moi, Parmeno.

Parmeno. Seigneur, j’aime mieux que vous me repreniez avec colère pour vous avoir fâché, que vous entendre me condamner plus tard pour ne vous avoir pas donné de conseil. Vous avez perdu le nom d’homme libre en engageant ainsi votre volonté.

Calixte. Ce traître veut des coups de bâton. Dis-moi, mauvais serviteur, pourquoi dis-tu du mal de ce