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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/86

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Évitez de regimber contre l’éperon, feignez la joie et le calme, vous serez calme et joyeux. Toujours l’imagination rend les choses ce qu’on veut qu’elles soient ; ce n’est pas qu’elle change la vérité, mais elle calme nos pensées et redresse notre jugement.

Calixte. Sempronio, mon ami, puisque tu ne veux pas que je sois seul, appelle Parmeno, il restera avec moi. Sois à l’avenir fidèle comme tu l’es maintenant : c’est dans les bons soins du serviteur que le maître trouve sa récompense… Parmeno ?

Parmeno. Je suis ici, seigneur.

Calixte. Ah ! bien ! je ne te voyais pas. Ne la quitte pas, Sempronio, et ne m’oublie pas ; va, Dieu te conduise ! — Toi, Parmeno, que te semble de ce qui s’est passé aujourd’hui ? Ma peine est grande. Mélibée est fière, Célestine est habile et s’entend à de pareilles affaires. Le succès ne peut nous manquer, tu me l’as prouvé avec toute ton inimitié. Je te crois ; la vérité est si puissante qu’elle oblige ses ennemis eux-mêmes à la proclamer. Puisque Célestine est telle que tu l’as dit, j’aime mieux lui avoir donné cent écus que cinq à un autre.

Parmeno. Les regrettez-vous déjà ? (À part.) Ça va mal ; de semblables générosités nous feront jeûner au logis.

Calixte. Puisque je te demande ton avis, sois-moi agréable, Parmeno. Ne baisse pas la tête en me répondant : l’envie est triste, la tristesse est muette ; le découragement me reviendrait bien vite avec toi, malgré mes craintes et ma volonté. Que disais-tu, fâcheux ?

Parmeno. Je dis, seigneur, que votre générosité serait mieux employée à faire des présents à Mélibée, qu’à donner de l’argent à cette vieille, que je connais, et, ce qui est pis, à vous faire son esclave.

Calixte. Comment, fou, son esclave ?

Parmeno. Celui à qui vous confiez votre secret est maître de votre liberté37.