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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1011

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voir réciproquement de ses nouvelles, vous ne serez pas plus éloigné à Paris. Nos amis prêchent ici, comme vous faites sur les chemins, [et votre apostolat vaut bien à mes yeux celui des disciples de Jésus. Partout le peuple est plus près de la vérité que ne le sont les prêtres qui prétendaient l’enseigner : Lanthenas en a fait dernièrement l’épreuve avec le petit vicaire, comme vous avec les moines, et vous avez tous deux également perdu votre temps. Réservez-le pour meilleur usage[1]].

Adieu ; si le courrier de jeudi n’apportait pas une de vos lettres, je m’en étonnerais et ne me défendrais pas de quelque inquiétude. Je cède la plume à votre compagnon pour terminer cette lettre, quoique le bel esprit Pope ait prétendu qu’une lettre double, ou faite à deux, devait être sotte, puisqu’elle était mariée ; cette épigramme était plus digne du célibataire que de l’auteur rival d’Homère. Nous vous embrassons toto corde.

J’ai lu[2], mon cher ami, avec plaisir les détails que vous nous avez donnés sur Montpeyroux et Beauregard. Je les avais déjà communiqués à M. Pigott, mais ma lettre ne l’a point trouvé à Genève. Il vient de m’écrire de Lyon. Je lui propose aujourd’hui, s’il a deux chevaux, comme il l’avait dit, de venir me prendre et d’aller visiter les lieux que vous nous avez décrits. Il serait alors bien désirable que nous vous trouvassions encore à Clermont. Je vous communiquerai la réponse de M. Pigott, sitôt que je l’aurai. Je le presserai de se hâter, pour ne pas vous faire languir. Je conçois combien les voyages que vous projetez ont d’attrait ! Mais ne pensez-vous pas que votre éloignement pourra nuire à nos projets dont les faibles commencements ont besoin du concours de ceux qui sont le plus libres et qui peuvent le plus pour les perfectionner ? Il parait que M. Pigott a vu plusieurs endroits dont il se réserve de me parler. Mais il me semble qu’il me sera facile de le déterminer pour l’Auvergne.

J’ai envoyé dernièrement à Brissot un article pour son journal, que j’ai intitulé ainsi : Quand le peuple est mûr pour la liberté, une nation est toujours digne d’être libre, et j’y ai prouvé que le peuple français est mûr pour la liberté[3]. Je verrais avec plaisir qu’il l’employât. Il y aurait quelque générosité, puisqu’il relève les idées dangereuses d’une de ses feuilles que nous avons tant blâmées. Le temps est entièrement à la pluie : j’aurais autrement été faire un tour à Lyon dans ces circonstances. J’attendrai la réponse de M. Pigott et je vous la communiquerai sans délai. Ménagez-vous, n’oubliez pas ce que je vous ai dit pour les cadets, parlez-m’en et croyez-moi toujours votre ami.


Lanthenas.
  1. Les lignes que nous plaçons ici entre crochets ont été biffées sur l’autographe, probablement par Bancal après son retour aux idées religieuses.
  2. Ce qui suit est de Lanthenas.
  3. Nous ne voyons pas que Brissot, très hospitalier d’ailleurs pour la prose de Lanthenas, ait inséré cet article.