Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1027

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvoir exécutif d’envoyer des troupes pour protéger la tranquillité des Avignonnais[1]. Le tribunal de cassation est à peu près organisé ; les objets secondaires vont leur train, mais l’on manque toujours de sévérité dans les finances, et l’on ne donne point à tous les comptes et dépenses cette parfaite publicité qui en facilite la discussion par les premiers intéressés.

Bissot vient de donner une excellente lettre à Barnave dont il révèle toutes les faiblesses, et dont il relève tous les torts dans sa conduite politique et ses divers rapports à l’Assembléé[2]. C’est un bon ouvrage qui doit être utile dans les circonstances et qui ferait estimer et chérir son auteur s’il n’était déjà connu et apprécié par les gens de bien.

Je reviens a nous. Notre mère a terminé sa carrière dans sa 92e année[3]. Cette époque pouvait devenir celle d’une réunion absolue de ceux de ses enfants qui lui survivent ; le sentiment et les convenances le demandaient également. Notre ami, oubliant tout ce qu’un aîné avait pu lui faire éprouver dans nos usages et nos préjugés despotiques, ne lui a manifesté que des dispositions fraternelles ; je me suis chargée de leur expression et, tout en jugeant ce que tant d’opposition de principes, de goûts et d’humeur apporterait de difficultés dans la vie commune, je ne me suis attachée qu’à ce qui pouvait la rendre douce, et j’ai senti du plaisir à me dévouer pour ma part au charme de cette réunion. Il ne m’est pas arrivé comme à Salomon qui, ne demandant que la sagesse, eut encore mille biens avec elle ; mais l’intention nous a été sans doute imputée à mérite, et, décidée au sacrifice, j’ai été dispensée de l’épreuve. Quoique ce soit un malheur de ne pas trouver dans les siens une juste correspondance, ce peut être un bien sous quelques rapports, et il vaut mieux ne pas vivre toujours rapprochés quand il n’existe point de conformités morales entre les êtres.

Durant ces petites scènes domestiques, les affaires de Lyon prenaient une nouvelle tournure ; cinq des anciens municipaux, demeurés par la voie du sort, ayant donné leur démission, les premiers notables passent à leur place : notre ami est du nombre[4]. Cependant mille difficultés, inventées à plaisir pour diminuer le nombre des votants ou naissantes des passions diverses, retardent

  1. Décret du 20 novembre 1790. — Avignon ne fut réuni à la France que le 14 septembre 1791.
  2. « Lettre à Barnave sur les rapports concernant les colonies », 1 volume in-8o, 16 pages. — Voir Mém. de Brissot, III, 149.
  3. La mère de Roland, Thérèse Bessye de Montazan. – Voir Appendice C.
  4. V. lettre du 28 octobre 1790, note 3.