Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1029

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chapperez pas le lord Stanhope[1] non plus que tous les Amis de la Révolution. Je lisais hier le bon Granville Sharp[2], qui fait des phrases si longues et si chrétiennes ; c’est un écrivain vénérable qui me semble dire en mauvais style les meilleures choses du monde et qui, à la différence du commun des auteurs, doit valoir encore mieux que ses livres. M. Lanthenas prétend qu’il y a à Londres plus de gens religieux que partout ailleurs en Europe ; moi, je crois qu’il y a plus que toute autre part des esprits indépendants qui rejettent toute croyance, et je pense que nous avons raison tous deux ; c’est à vous de résoudre ce problème.

Notre ancien voisin, M. Deu, avec qui nous avons fait autrefois tant de courses botaniques, n’a pas dû vous paraître au niveau de la Révolution ; gentilhomme et financier, père de famille comptant sur sa place pour sa fortune, il n’a pu, avec une bonne judiciaire, échapper absolument à l’influence des préjugés et de l’intérêt[3].

Vous voilà établi dans un quartier duquel nous n’étions pas fort loin, car nous habitions Creven street in the Strand ; le parc et tout ce qui y fait suite vous offriraient de charmantes promenades dans une autre saison.

Adieu ; j’imagine bien que c’est par surabondance et non par opinion de sa nécessité que vous nous avec fait l’exhortation qui termine votre dernière. Nous vous écrivons avec plaisir et nous n’avons nulle peine à vous aimer : mais cela ne serait-il pas bon à rétorquer, à vous, voyageur au milieu d’un monde nouveau et enchanté ?




le rossignol et la fauvette[4].

Privée dès son jeune âge, une fauvette vivait en paix sans rien regretter. Bon maître, agréable volière suffisaient à ses besoins ou servaient à contenir ses vœux.

  1. Lord Stanhope (1753-1816) qui, quoique beau-frère de Pitt, était un partisan de la France et de la Révolution. — Voir sur la Société des Amis de la Révolution à Londres, la lettre du 13 octobre 1790. — Cf. Beaulieu, II, 263.
  2. Sur Granville Sharp, voir les Mémoires de Brissot, II, passim.
  3. Les lettres de M. d’Eu à Bosc, que possède M. Alexandre Beljame, et dont vingt et une, vraiment intéressantes, sont de l’année 1789, confirment cette appréciation. M. Deu parle en royaliste modéré, sensé, mais en royaliste.
  4. « Cette fable, dit l’éditeur de 1835, était jointe à la lettre qui précède et paraissait en faire partie ; nous nous sommes fait un scrupule de la reproduire. » Nous faisons de même. — Elle est aux Papiers Roland, ms. 9534, fol. 68.