meubles, par conséquent du produit de l’impôt national, la vente moins avantageuse des biens nationaux, etc., etc. Notre ami a eu beau parler, écrire, tonner, le sot décret a passé ; il faut maintenant solliciter des exceptions, faire adopter des moyens, et nous voilà jetés dans un labyrinthe de petites opérations qui nous conduiront je ne sais où ; ni jusques à quand.
Notre ami avait un collègue député, poussé par une faction particulière, et qui n’a servi qu’à le contrarier en toutes choses ; il prend enfin le parti de s’en aller ; ce qui sera un grand bien en soi et un vrai soulagement pour nous avec qui il demeure depuis notre séjour dans la capitale[1].
Les papiers publics vous auront appris la mort prématurée de Mirabeau[2] : prématurée quant à l’âge, mais non sans doute quant à l’usage qu’il avait fait de la vie, et très à propos pour sa gloire.
Cette fin hâtive et presque subite d’un homme à grands talents, et qui a véritablement servi la chose publique, a je ne sais quoi de solennel et de triste dont on ne peut éviter l’impression. Je suis loin de partager l’enthousiasme de tant de personnes pour l’être étonnant que l’on regrette, et pourtant je hais la mort d’avoir été si prompte à saisir cette grande proie, quoique la réflexion m’oblige d’applaudir au décret du sort.
De longtemps peut-être le peuple ne jugera bien et lghomme et l’événement ; la vérité ne perce qu’avec peine, et beaucoup de choses se réunissent ici pour nourrir l’illusion. Aussi la sensation est-elle prodigieuse ; le peuple croit sincèrement avoir perdu son meilleur défenseur ; la mort de Mirabeau ressemble à une calamité publique ; ses funérailles ont été plus augustes que celles des rois les plus orgueilleux, et les citoyens les plus éclairés applaudissent volontairement à ce triomphe, car enfin tous ces hommages sont rendus à la liberté, par l’opinion de ce qu’elle doit à l’homme qui vient de s’évanouir. Quant à moi, en particulier, je regarde Mirabeau comme nous ayant offert le plus monstrueux assemblage d’un génie qui connut le bien, qui eût pu l’opérer, et qui l’a fait quelquefois avec un cœur corrompu qui se jouait de la vertu même, qui rapportait tout à sa propre gloire et qui compromettait cette gloire même
- ↑ Bret quitta, en effet, Paris à ce moment-là pour se rendre à Lyon. Le 11, il arrivait à Villefranche avec l’évêque Lamourette. (Voir dans la Révolution française du 14 août 1896 notre récit « Une entrée épiscopale en 1791 ».) — François Bret, né à Grenoble en 1745, avocat à Lyon en 1769, procureur de la Commune en 1790, fut condamné à mort par le tribunal révolutionnaire de cette ville et exécuté le 13 décembre 1793 (Wahl, 287).
- ↑ Du 2 avril.