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des Comités pervers, je vois Louis XVI préparant au dehors des attaques combinées avec les mouvements intérieurs et la marche de l’Assemblée même qu’il continue de diriger ; je vois que nous sommes environnés de pièges, de séducteur et d’assassins et que, si nous pouvons espérer encore d’arriver à la liberté, ce ne sera que par une mer de sang.

Votre Société recevra donc la bénigne adresse de nos Jacobins ; il serait bien bon qu’en réponse vous en fissiez une qui contint l’exposé de si justes craintes ; il faudrait en projeter une à l’Assemblée nationale elle-même, pour lui demander de nouveaux ministres et une autre composition de tous ses Comités : car, enfin, si l’on ne trouve pas un moyen d’épurer cette Assemblée, de ne mettre en action que ce qu’elle a de plus sain, nous sommes inévitablement perdus. Mais une pareille adresse devrait sortir à la fois de toutes les assemblées primaires ; c’est le seul moyen d’opérer un grand effet. Un des articles de l’adresse ne pourrait-il pas être de demander la convocation solennelle de toutes ces assemblées à l’effet de délibérer, par oui et par non, s’il convient aux Français de conserver à leur gouvernement la forme monarchique ? Le contrat que nous avions passé admettait un Roi ; mais ce Roi même, qui était une des parties contractantes, renonce aux clauses de notre transaction ; les parties qui restent peuvent donc en mettre de nouvelles.

Il serait bien besoin de répandre avec profusion une petite instruction propre à éclairer et à diriger le peuple ; nous sommes dans une crise dont le résultat doit être la perte ou la perfection de notre Constitution. Nous avons plus de bras que de têtes ; notre jeunesse se battra vigoureusement ; mais ses combats et ses victoires même pourraient ne servir qu’à nous épuiser, si nous demeurons sous l’influence des traîtres et que nous jugions mal du but vers lequel il convient de diriger tous nos efforts.

Je ne sais si vous aurez reçu à temps ma lettre d’hier ; j’ai lieu de présumer que toutes les expéditions ont été arrêtées, et c’est encore une des astuces des chefs de bureaux. Car, le départ du Roi étant effectué, ses partisans n’avaient rien à mander de redoutable, et il était fort instant de [laisser[1]] propager les impressions que les patriotes pouvaient produire dans ces premiers moments. L’Assemblée n’a pas voulu non plus adopter une mesure qui lui a été proposée et qui, par des signaux, aurait éveillé tout le royaume en vingt-quatre heures. — On ne travaille qu’à tout calmer, on ne veut que du sommeil ; il entre

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