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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1149

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de république ; cependant ils agréent la chose, car ils sont à peu près décidés pour le conseil électif. Or il est évident qu’un gouvernement républicain étant celui où tous les pouvoirs sont exercés par des élus du peuple, choisis à temps et responsables de leur conduite, nous sommes république si nous confions le pouvoir exécutif à un conseil électif, puisqu’il n’y avait plus que celui-là qui, dans notre Constitution, fût abandonné à l’hérédité d’une famille et à l’absurde inviolabilité d’un chef. Il nous faut ce conseil pour établir la balance du Corps législatif, ainsi que dans le congrès des États-Unis la maintient le Sénat par rapport à la portion législative.

On croit généralement que nous serons attaqués par la Flandre, et que Paris sera l’objet immédiat de l’attaque et des efforts de l’ennemi. Les Ardennes couvrent le chemin, très ouvert jusqu’à la capitale. Mais, encore une fois, tout le danger me parait être dans la corruption d’une Assemblée devenue monstrueuse, à qui il ne manque plus que de faire emprisonner ceux de ses membres ou des citoyens qui osent blâmer sa conduite, pour ressembler au Long Parlement d’Angleterre. Voilà ce que les provinces ignorent, et ce qu’il faut leur apprendre ; je suis toute occupée d’y écrire. Faîtes de bons imprimés et répandez-les. Eh bien ! si la liberté s’élève un sanctuaire dans votre département, ce sera l’asile de ses défenseurs, si les autres départements les rejettent de leur sein ; ce sera, du moins, un point de ralliement, et il en faut un dans les troubles qui se préparent.

Une chose sur laquelle il me parait très important d’insister, c’est d’éclairer la nation sur l’état actuel de l’Assemblée, de manière non à avilir cette Assemblée, mais à faire sentir la nécessité de l’influencer et de la gouverner par la force de l’opinion. La disposition générale est si bonne, qu’il me semble qu’on pourra tout en espérer dès qu’on saura partout qu’une confiance aveugle dans nos représentants serait funeste dans ses conséquences, tandis qu’une action bien dirigée les obligera d’opérer notre bonheur.

Ayez soin d’écrire et d’envoyer votre motion imprimée à Joseph Servan, à Condrieu. Cet excellent homme, bon patriote et bon officier, que son amour pour la Révolution a fait chasser de la maison du Roi, ne s’occupe, dans l’obscurité de sa retraite, qu’à propager les lumières et la vérité ; il a fait dans sa campagne, près Condrieu, un club populaire, et il produit un grand bien dans ses entours. Je le préviens de votre correspondance : je crois très utile d’étendre celle des amis de la liberté ; il faut entre eux une sainte coalition pour renverser celle des factieux et des partisans de la tyrannie.