Ce Servan[1] est un frère cadet et très différent du Servan ci-devant avocat général de Grenoble, par lequel il ne faudrait pas le juger. Mais, lorsque nous vous le donnons pour un ami, vous n’hésiterez pas. Ce serait un homme précieux à mettre à la tête de quelque commandement dans les gardes nationales ; dans tous les cas, il peut beaucoup servir la liberté, parce qu’il n’est pas sans influence dans son canton.
…Ma femme se lève[3], non au point du jour[4], mais pour recevoir mes adieux ; elle est bien sensible à votre souvenir, à votre amitié, à celle de la chère moitié ; et toujours pour vous et entre nous tous, salut, santé et amitié.
Je suis assez bien éveillée pour en réitérer les assurances, de cette bonne amitié ; elle ne peut que gagner encore au patriotisme qui s’alimente ici de tant de manières.
On mène une singulière vie dans ce pays : depuis la fuite de nos gens, les diverses Sociétés patriotiques ont pris une activité qui me les a fait suivre plus exactement ; on rentre chez soi à onze heures ou minuit, en réfléchissant sur la différence des intérêts pour lesquels le peuple s’assemble aujourd’hui, tandis qu’il y a peu d’années il ne se réunissait que pour chanter bêtement Amen.
Notre Assemblée a grand besoin d’être excitée au bien ; elle n’est
- ↑ Joseph Servan, dont nous avons déjà parlé (note de la lettre du 30 décembre 1790), avait été pendant quelque temps, avant la Révolution, sous-gouverneur des pages de Louis XVI. Il était le frère cadet d’Antoine Servan, procureur général au Parlement de Grenoble de 1764 à 1772, célèbre comme orateur et comme publiciste, mais qui, après avoir appelé la Révolution, commençait à ne plus la suivre.
- ↑ Ms. 6241, fol. 79-80.
- ↑ La première partie de la lettre est de Roland. M. Faugère en a cité une partie dans son édition des Mémoires (I, 354). Nous n’en donnons que le paragraphe qui motive le post-scriptum de Madame Roland.
- ↑ Allusion à la célèbre chanson rustique de la région lyonnaise :
La Pernette se lève
Trois heures avant le jour…