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Notre ami a rendez-vous à onze heures avec M. La Miellerie[1] pour le pont.


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[À CHAMPAGNEUX, À LYON[2].]
27 juillet 1791, — de Paris.

Le mot que vous avez ajouté hier, dans la lettre du 23, nous a d’autant plus étonnés que, depuis le 17, notre ami a écrit exactement tous les jours ; vous attendez une lettre calmante, vous paraissez croire à d’heureux changements survenus ; ce n’est pas de nous que vous aurez ni cette lettre, ni les assurances de ces changements. Nous sommes non seulement trop près du foyer des intrigues, mais nous apercevons derrière la toile, et l’on ne voit rien là de bien consolant.

Du moment de l’arrestation du Roi, les ambitieux de l’Assemblée se sont réunis aux soi-disant modérés, pour un parti qui leur valût de l’autorité, leur assurât des avantages. La situation de Louis XVI était extrêmement défavorable, le peuple généralement indigné, le jeu devenait beau pour des intrigants qui auraient l’audace de faire en quelque sorte les médiateurs, de braver l’opinion publique en se donnant l’air de la contenir par la sagesse de considérations puissantes, et de se rendre très utiles à un prince faible dont la conservation deviendrait en quelque sorte leur ouvrage, dont l’incapacité leur permettrait de conserver beaucoup d’influence, et dont, par cette raison, les privilèges et la liste civile demeureraient leur patrimoine. Les vices mêmes de la Constitution, les préjugés encore répandus en faveur

  1. Il s’agit évidemment de Jacques-Louis Chaumont de La Millière, Intendant des finances, qui, malgré la suppression des Intendants, continuait à diriger le service des Ponts et Chaussées (nous ne savons au juste de quel pont du Rhône il est question). — Arrêté en août 1792 (Tuetey, IV, 3876) et maintenu en prison pendant la Terreur (Mémoires sur les prisons, collection Berville et Barrière, t. II, p. 1), il ne paraît pas avoir fait preuve d’héroïsme (P.V.C., 16 octobre 1793).
  2. Ms. 6241, fol. 96-97. — Voir Révolution française du 14 août 1895.