Je désirerais bien aller à Lyon ; j’y ai à faire pour divers objets, mais je n’ai devancé notre ami qu’à cause de la campagne et tout y presse. On va vendanger autour de cette ville la semaine prochaine ; il faut que j’en fasse autant sous douze jours, et je n’ai rien de préparé. Le raisin est misérable partout et le vin très cher ; la sécheresse a tout grillé dans notre domaine ; il n’y a pas plu depuis la Saint-Jean ; l’eau manque et la verdure n’est plus que de la paille séchée ; je n’ai pas même une salade à manger. Si l’on ne cueille le raisin incessamment, les premières pluies le feront pourrir et tomber.
Je n’ai pas un moment à moi, je suis excédée et il me faut plus d’activité que jamais. Jugez de ce qui me commande, puisqu’il me faudrait faire habiller ma fille, ce que je ne puis exécuter qu’à Lyon, et que cependant j’ignore quand je pourrai m’y rendre.
Vous, homme, si vous pouviez, dans la semaine prochaine, me donner quelques instants dans mon ermitage, vous me feriez un grand plaisir. J’ai avec moi une femme de Paris, de mes amies, qui m’a accompagnée à cent lieues pour me faire une petite visite.
Veuillez dire pour moi mille bonnes choses à M. Servan ; je vais lui adresser la même prière.
J’honore, je salue, j’aime et j’embrasse votre tant aimable moitié ; je voudrais la voir dans ma solitude et j’enrage d’être si loin que je n’ose pas même presser une mère de famille de venir me voir ; il y aurait une sorte de présomption, quand le loisir et les circonstances ne sont pas telles (sic) qu’on puisse me donner quinze ou du moins huit jours.
Recevez mille amitiés et les nouvelles assurances d’un attachement plus inviolable qu’un député. Soyez assez complaisant pour m’écrire ; je suis tombée du ciel et accablée de soins.