Duranthon, qui, dans toute cette affaire, avait manœuvré pour couvrir Montmorin et Bertrand. Ceci explique la lettre suivante de Roland à Bancal[1] :
Il n’y a pas un moment à perdre, mon ami. Si vous voulez être utile à la chose publique, parlez au reçu de ma lettre ; venez nous joindre, nous avons besoin de nous entourer, de nous renforcer de patriotes zélés, actifs, intelligents et travailleurs. J’espère que vous ne mettrez à arriver ici que le temps nécessaire pour votre transport en poste de Clermont à Paris.
Je vous embrasse.
La crise fut conjurée pour quelques jours, probablement par quelque manœuvre de Dumouriez. Ce conseil de six ministres était partagé en deux camps : d’un côté, Roland, Servan et Clavière ; de l’autre, Duranthon et Lacoste ; entre eux, Dumouriez, qui louvoyait.
Mais Roland et Servan voulaient en finir : celui-ci, le 8 juin, fait voter par l’Assemblée le décret établissant un camp de 20,000 fédérés sous Paris, et le 10, Roland, sans consulter cette fois ses collègues, envoie au Roi la fameuse lettre, rédigée tout entière par sa femme[2], qui eut tant de retentissement. Elle était conçue dans le même esprit que celle du 19 mai, mais bien plus développée.
Louis XVI la reçut dans la matinée du 11 juin, et répondit, le 13, par le billet autographe que voici (inédit, ms. 6241, fol. 305-306) :
Vous voudrez bien, Monsieur, remettre le portefeuille du département de l’intérieur que je vous avais confié à M. Mourgues, que je viens d’en charger.
On sait comment Servan et Clavière furent congédiés en même temps, et comment Dumouriez, après avoir essayé de constituer un autre ministère, tout en obtenant de Louis XVI la sanction des deux décrets du 27 mai et du 8 juin, démissionna à son tour le 16 juin, laissant Louis XVI recourir à d’obscurs Feuillants, qui se succédèrent jusqu’au 10 août avec une rapidité inquiétante.