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vent parlé. — Ce dimanche, 13 mai an iv. — À l’Hôtel de l’Intérieur, à 4 heures. » (Ms. 9533, fol. 247-248.) Dulaure se rend à l’invitation, envoie ensuite un numéro de son journal à Madame Roland, et reçoit d’elle, cinq jours après, la lettre du 18 mai 1792 qui figure à la Correspondance (489). Il resta d’ailleurs, sous le second ministère, un des habitués de l’Hôtel de l’Intérieur, témoin une autre invitation du 7 septembre suivant, citée par M. Marcellin Boudet (loc. cit., p. 295), et dont copie se trouve au ms. 9533, fol. 249-250. Le cas de Dulaure, le plus topique, puisque nous avons ses billets d’invitation, est celui de vingt autres, et nous n’essayerons pas de dresser ici la liste des convives de Roland[1]. On peut dire que tout le parti patriote — moins l’extrême gauche — a passé là.

Cependant, dès la seconde quinzaine de mai, une crise ministérielle se prépare. Le Roi, sous l’influence de son entourage et de son conseil secret (Montmorin, Bertrand de Molleville, etc.), contrecarrait sourdement ses ministres et avait même un allié parmi eux, Duranthon. Roland, impatient de ce système d’obstruction, proposa loyalement d’aller droit au Roi et de lui écrire une lettre le mettant en demeure de gouverner sans ambages avec la majorité. Il rédigea cette lettre, datée du 19 mai[2], et la communiqua auparavant à ses collègues. Clavière répondit le 26 mai, en dissuadant Roland d’adresser cet ultimatum, mais en ajoutant qu’il se rallierait à la majorité des autres ministres[3]. Mais d’ailleurs, pendant ce temps, le combat s’engageait sur le terrain parlementaire : dès le 18, on dénonçait à l’Assemblée le « comité autrichien », c’est-à-dire Montmorin et Bertrand ; le 20, le 23, Guadet, Gensonné et Brissot demandaient la mise en accusation de Montmorin et l’enquête sur Bertrand et Duport-Dutertre ; le 27, l’Assemblée décrétait la déportation des prêtres insermentés ; le 28, le licenciement de la garde du Roi. Les coups se succédaient, rapides et menaçants. On pouvait donc prévoir une rupture éclatante, immédiate, et (si les ministres l’emportaient) le renvoi de

  1. Citons seulement Louvet, amené chez Roland par Lanthenas (Mém. de Louvet, I, 50), et qui fonda alors la Sentinelle, vers la fin d’avril 1792, pour soutenir la politique du ministère brissotin. (C’est par erreur qu’on fait remonter au 1er mars l’origine de cette feuille célèbre.)
  2. On en trouvera le texte dans les Lettres et pièces intéressantes pour servir à l’histoire du Ministère de Roland, Servan et Clavière, Paris, 1792, p. 1792, p. 43-49. Elle ne fut pas envoyée (ibid, p. 5). — Voir ce qu’en dit Madame Roland, Mémoires, I, 73.
  3. Lettres et pièces intéressantes, etc…, p. 48-53. — Le brouillon autographe est au ms. 9534, fol. 429-429.