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ANNÉE 1781.

les éditions rares, chez un particulier où m’a conduite M. Baillière, avec une des amies ; M. Baillière te dit beaucoup de choses, désire extrêmement te voir ; il vient souvent et paraît aimer assez notre petit cercle. M. Justamont me fait travailler ; nous lisons tous les soirs, bien mais non beaucoup, car il faut le temps de prendre le thé, de causer, de se reposer ; les Anglais font tout à l’aise. Trois fois la semaine à midi, il me donne leçon de grammaire ; les amies prennent intérêt aux leçons, elles tâchent de ne point les manquer : toutes deux ont commencé autrefois et ne seraient pas fâchées qu’il leur en restât quelque chose. J’ai des livres anglais plus que je n’en peux lire ; je n’ai pas trouvé le moment de jeter les yeux sur ceux que j’ai apportés, ni même sur notre italien ; la tâche d’anglais que j’ai à faire et les petites choses de société remplissent mes journées à me les faire trouver bien rapides, si je ne sentais continuellement que tu me manques. Mr  Baillière m’a donné le petit ouvrage qu’il t’avait promis ; c’est une traduction de l’anglais d’une description du mangostan et du fruit à pain ; il sait aussi l’italien, de même que M. Justamont ; mais je crois que, pour ceci, ni l’un, ni l’autre ne sont guère plus grands docteurs que moi. À propos de docteur, je n’ai point encore peigné celui de Sorbonne[1] ; j’attends un heureux matin et j’ai souvent le cœur faible en me levant. As-tu reçu des nouvelles de Villefranche ? j’en ai du souci. Mlle  Desportes m’a répondu bien amicalement, bien tendrement ; elle avait vu deux fois le fidèle Achate, qui avait été d’abord lui donner des nouvelles de notre départ absolu, puis chercher s’il en trouverait de notre arrivée.

Je n’ai point encore rendu de visite à Mme  d’Ornay, parce que j’ai voulu laisser passer le jour d’un dîner dont sera (aujourd’hui) une de nos amies. M. Group[2] été malade à Rome, je ne sais même s’il est bien rétabli ; Mme  d’Ornay l’ignore, elle attend les deux voyageurs avant Pâques.

Je demeure tout le jour dans ma chambre où l’on vient déjeuner et

  1. L’abbé Deshoussayes. — Voir les lettres suivantes et l’Appendice D.
  2. Le nom est difficile à lire au ms. C’est probablement « Guéroult ». Voir la lettre II