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retraite qu’on doit toujours avoir sous les yeux, comme certains philosophes y tiennent leur cercueil.

Écrivez-nous, instruisez-nous de tout ce qui peut intéresser la chose publique : il faut la faire prospérer ou périr. Recueillez le plus de détails qu’il vous sera possible sur l’état des choses en général dans votre département et celui de tous les fonctionnaires gagés, payés, etc., de manière à faire un tableau exact de ses dépenses et de ses forces, enfin de sa situation civile, morale et politique.

Vous sentez combien un patriote ardent, éclairé et étranger en apparence à ces détails, peut être utile par son exactitude à les fournir, et je somme votre zèle au nom de la patrie et de l’amitié. Adieu, union et civisme à la vie et à la mort.


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À GOSSE, À GENÈVE[1].
27 mars 1792, — de Paris.

La scène change rapidement dans ce pays ; j’écrivais, il y a peu de jours, à votre digne moitié et je lui peignais une situation qui ne ressemble guère à celle où nous sommes appelés. Je ne me croyais pas voisine d’un changement de cette nature, et il était permis sans doute de ne pas le prévoir. C’est un de ces tours de roue de la fortune qui élève ce que bientôt la continuité du même mouvement doit reporter à la place d’où il avait été tiré.

Notre ami s’est dévoué par l’espoir de concourir au bien de son pays, espoir fondé sur la conformité de principes des personnes qui composent actuellement le ministère et de leur concert avec la partie de l’Assemblée sincèrement attachée à la Révolution. S’il ne peut réussir, il descendra comme il est monté, avec calme et courage, sans effroi alors comme il est aujourd’hui sans ivresse. Mais il faut bien vous croire au courant de nos nouvelles pour causer ainsi sans vous exprimer positivement que votre ami est nommé ministre de l’intérieur.

Les circonstances sont tellement orageuses, que je ne puis considérer sans

  1. Lettre publiée par M. Faugère, Mémoires, t. II, p. 313-323. — La copie se trouve au ms. 9533, fol. 166, avec cette note : « Communiqué par M. Baudin ».