Aller au contenu

Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1263

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Adieu ; peu de jours encore jetteront de grandes lumières sur le sort de la capitale, d’où la sagesse voudrait peut-être qu’on sortît le Gouvernement ; mais il est déjà trop tard pour cela même. Washington fit bien déplacer le Congrès, et ce n’était point par peur[1].


496

[À BANCAL, À CLERMONT[2].]
5 septembre 1792, an ive, — [de Paris].

Nous sommes sous le couteau de Robespierre et de Marat ; ces gens-là s’efforcent d’agiter le peuple et de le tourner contre l’Assemblée nationale et le Conseil. Ils ont fait une Chambre ardente ; ils ont une petite armée qu’ils soudoient à l’aide de ce qu’ils ont trouvé ou volé dans le château et ailleurs, ou de ce que leur donne Danton qui, sous main, est le chef de cette horde. Croiriez-vous qu’ils avaient lancé un mandat d’arrêt contre Roland et Brissot, comme suspects d’intelligence avec Brunswick[3], et qu’ils n’ont été retenus que par une sorte de crainte ? Ils s’en sont tenus à vouloir mettre les scellés sur leurs papiers, mais, dans leur recherche inquisitoriale parmi ceux de Brissot, ils ont été honteux de ne rien trouver que de contraire à leurs prétentions. Ils n’ont osé apposer les scellés, ni se rendre chez Roland et Guadet[4] ; ils se sont contentés d’emporter les lettres en anglais qu’ils n’avaient pu entendre. S’ils eussent exécuté leur mandat d’arrêt, ces deux excellents citoyens auraient été

  1. Voir, sur ce projet de transférer le gouvernement hors de Paris, tous les historiens de la Révolution, et en outre le discours de Fabre d’Églantine aux Jacobins, du 5 novembre 1792 (Aulard, t. IV, p. 402 ; cf. Buchez, XX, 238).
  2. Lettres à Bancal, p. 346 ; — ms 9535, fol. 181 bis-182.
  3. Sur ce mandat d’arrêt lancé contre Roland, le 4 septembre semble-t-il, par le Comité de surveillance de la Commune de Paris, les témoignages surabondent. C’est Danton qui le fit déchirer.

    Le mandat d’arrêt contre Brissot est fort vraisemblable, mais il y a moins de témoignages. Nous avons du moins celui de Brissot (Mém., t. IV, p. 299) : « Un mandat d’arrêt ce jour même du 21 [lire 2] septembre, mandat réduit ensuite à un simple examen de papiers… »

  4. C’est la première fois que nous rencontrons le nom de Guadet, député à la Législative, puis à la Convention, guillotiné à Bordeaux le 19 juin 1794. Dès son arrivé à Paris, il s’était fait recevoir à la Société des Jacobins (Aulard, t. III, séance