Aller au contenu

Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

504

le conseil exécutif provisoire de la république française
au prince-évêque de rome[1].
23 novembre 1792.

Des Français libres, des enfants des arts, dont le séjour à Rome y soutient et développe des goûts et des talents dont elle s’honore, subissent par votre ordre une injuste persécution. Enlevés à leurs travaux d’une manière arbitraire, fermés dans une prison rigoureuse, indiqués au public et traités comme des coupables, sans qu’aucun tribunal ait annoncé leur crime, ou plutôt lorsqu’on ne peut leur en reprocher d’autre que d’avoir laissé connaître leur respect pour les droits de l’humanité, leur amour pour une patrie qui les reconnaît, ils sont désignés comme des victimes que doivent bientôt immoler le despotisme et la superstition réunis.

[Sans doute, s’il était permis d’acheter jamais aux dépens de l’innocence le triomphe d’une bonne cause, il faudrait laisser commettre cet excès. Le règne ébranlé de l’Inquisition finit du jour même où elle ose encore exercer sa furie, et le successeur de Saint-Pierre ne sera plus un prince le jour où il l’aura souffert. La raison a fait partout entendre sa voix puissante ; elle a ranimé dans le cœur de l’homme opprimé la conscience de ses devoirs avec le sentiment de sa force ;

  1. Madame Roland nous apprend (Mém., II, 180-181) que c’est elle qui rédigea cette lettre. — Champagneux, t. I, p. 213-215, en a le premier donné le texte, mais en la datant du 24 et en supprimant le passage que nous avons mis entre crochets. C’est M. Faugère (II, 297-299) qui a publié le texte intégral. — On le trouve déjà dans Girardot, p. 126-128.

    Cette lettre avait pour objet de réclamer la mise en liberté de deux artistes lyonnais, l’architecte Rater et le sculpteur chinard ; alors à Rome, que le gouverneur pontifical avait fait emprisonner comme suspects d’idées révolutionnaires. Le crime de chinard aurait été d’avoir fait un groupe représentant « Le Fanatisme terrifié par la Raison », que la ville de Lyon lui avait commandé. M. Faugère a donné en appendice (II, 289-301) : 1° Une lettre de Madame Chinard, du 25 octobre, sollicitant l’intervention de Madame Roland ; 2° Une lettre de Roland à Lebrun, ministre des Affaires étrangères, en date du 12 novembre, le pressant de faire les démarches nécessaires. Ces démarches eurent leur prompt effet, car M. Faugère nous apprend que Chinard et Rater venaient d’être mis en liberté quand la lettre du 23 novembre, rédigée par Madame Roland, arriva à Rome.