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elle a brisé le sceptre de la tyrannie, le talisman de la royauté ; la liberté est devenue le point d’un ralliement universel, et les souverains chancelants sur leur trône n’ont plus qu’à la favoriser pour éviter une chute violente. Mais il ne suffit pas à la République française de prévoir le terme et l’anéantissement de la tyrannie dans l’Europe, elle doit en arrêter l’action sur tous ceux qui lui appartiennent.]

Déjà son ministre des Affaires étrangères a demandé l’élargissement des Français arbitrairement détenus à Rome. Aujourd’hui, son Conseil exécutif les réclame, au nom de la justice qu’ils n’ont point offensée, au nom des arts que vous avez intérêt d’accueillir et de protéger, au nom de la raison qui s’indigne de cette persécution étrange, au nom d’une nation libre, fière et généreuse, qui dédaigne les conquêtes, il est vrai, mais qui veut faire respecter ses droits, qui est prête à se venger de quiconque ose les méconnaître, et qui n’a pas su les conquérir sur ses prêtres et ses rois pour les laisser outrager par qui que ce soit sur la terre.

Pontife de l’Église romaine, prince encore d’un État prêt à vous échapper, vous ne pouvez plus conserver et l’État et l’Église que par la possession désintéressée de ces principes évangéliques, qui respirent la plus pure démocratie, la plus tendre humanité, l’égalité la plus parfaite, et dont les successeurs du Christ n’avaient su se couvrir que pour accroître une domination qui tombe aujourd’hui de vétusté. Les siècles de l’ignorance sont passés ; les hommes ne peuvent plus être soumis que par la conviction, conduits que par la vérité, attachés que par leur propre bonheur ; l’art de la politique et le secret du gouvernement sont réduits à la reconnaissance de leurs droits et au soin de leur en faciliter l’exercice pour le plus grand bien de tous, avec le moins de dommage possible pour chacun ; telles sont aujourd’hui les maximes de la République française, trop juste pour avoir rien à taire, même en diplomatie, trop puissante pour avoir recours aux menaces ; mais trop fière pour dissimuler son outrage, elle est prête à la punir si les réclamations pénibles demeuraient sans effet.

Fait au Conseil exécutif, le vingt-trois novembre mil sept cent quatre-vingt-douze, l’an i de la République française.

Signé : Roland, Monge, Clavière, Lebrun, Pache et Garat.
Par le Conseil,
Signé : Grouvelle, secrétaire.