l’opinion, au soin de faire servir toutes les affections volontaires et autres, douces ou amères, à développer l’activité de l’esprit, à la tourner vers un but d’utilité.
Vos expressions, vos suppositions de mépris me déchirent ; elles sont fausses. Ce n’est point cela. Vous le sentez bien.
Vous me désolez, car je hais de causer du mal, car je vous estime et vous suis attachée, et je redoute ou m’afflige plus particulièrement d’en causer à vous-même. Mais, eussiez-vous mille fois raison, l’empire que j’ai reconnu est établi et je ne puis plus m’y soustraire. Il n’est pas vrai que vous vouliez en moi haine ni désespoir : la première est impossible ; l’autre vous ferait mourir de regret, et d’ailleurs on ne le connaît plus que pour l’objet dominant qui seul à droit d’y porter. Vous qui invoquez la raison et réclamez contre les travers du cœur, soyez assez généreux pour être mon ami. Cet effort peut prévenir bien des maux ; mais aucun de ceux-ci ne peut changer ma destinée qu’en l’abrégeant.
Oui, je vous ai parlé ce matin avec un accent que vous avez dû trouver nouveau ; mais, lorsque je vous ai si bien témoigné à quelle occasion se déve-
- ↑ Ms. 9533, fol. 274-275. On lit sur le folio extérieur, de la main de Madame Roland : « M. Lanthenas ». Et sur un pli de l’adresse, de la main de celui-ci : « Madame Roland ». Une écriture inconnue, en marge de la lettre, a inscrit : « n° 8 ».
- ↑ Publiée en 1864 par M. Faugère (Mém., II, 310-311), sans qu’il ait indiqué