En quittant le ministère, les Roland se retirèrent dans leur humble logis de la rue de La Harpe.
Continuèrent-ils, comme Marat et les Jacobins ne cessèrent de le prétendre, à inspirer la Gironde ? Nous croyons, au contraire, que les quatre mois qui s’écoulèrent entre le 23 janvier et le 31 mai, jour de leur proscription, furent pour eux une période d’isolement relatif, nous dirions presque d’abandon. On sait d’abord — et d’éminents historiens l’ont dit avec autorité — que personne ne conduisait la Gironde ; c’était à peine un parti, ou, ce qui revient au même, c’était un parti sans chefs écoutés de leurs soldats. D’ailleurs, comment ces chefs auraient-ils reçu la direction du ministre qu’ils venaient d’abandonner en le jugeant trop impopulaire ?
Assurément, les Roland continuèrent à voir leurs amis particuliers. Louvet, Barbaroux, Bancal, etc[1]… et restèrent en relations avec quelques autres, Petion, Brissot, etc… Mais il semble bien que le vide se soit fait peu à peu autour d’eux[2].
Ils se sentaient d’ailleurs menacés et se crurent obligés, à certains moments, de coucher hors de leur domicile.
Une pièce inédite de la collection Morrison, que nous avons communiquée à M. A. Rey et qu’il a citée (Bosc, p. 25), ne permet là-dessus aucun doute. Roland écrit à Bosc : « Nous sommes hors des murs depuis huit ou dix jours ; je vais cependant y rentrer sous peu ; la crainte de la mort deviendrait enfin pire que la mort même[3]… »
Cela ne l’empêchait pas de poursuivre, avec l’obstination d’une idée fixe, non pas sa revanche, mais sa justification. Il demandait sans cesse à la Con-
- ↑ C’est à ce moment, c’est-à-dire entre le 23 janvier et la fin de mars (où Bancal partit pour remplir auprès de Dumouriez cette mission qui devait aboutir à la prison d’Olmütz), que nous avons cru pouvoir placer les trois lettres de Madame Roland à Bancal, au sujet de Mlle Williams.
- ↑ « Depuis la sortie du ministère, je m’étais tellement retirée du monde, que je ne voyais presque plus personne. » (Mém., I, 19.)
- ↑ Cf. l’Almanach des gens de bien pour l’année 1795, p. 42 ; déposition de Mlle Mignot dans le procès de Madame Roland (Mém., I, 417).
Ce que dit Madame Roland (Mém., I, 17) ne s’applique qu’à la période du second ministère.