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À JANY, À PARIS[1].
[27 octobre 1793, — de Sainte-Pélagie.]

…Je me suis abstenue de faire un article sur lui ; il aurait pu être instructif et long, mais L[anthenas] m’a trop aimée pour que j’en dise du mal, et je le méprise trop pour en dire du bien. Vous auriez vu comment R[oland], tout en jugeant sa médiocrité, s’est trouvé obligé, par une sorte de justice pour son civisme et son amitié, de l’employer dans ses bureaux. Mme  G. [Grandchamp] pourrait vous le dire. Vous verriez combien sa gaucherie, bien autre qu’on ne saurait l’imaginer, y a fait de mal, par un mauvais ordre de travail et un détestable choix de deux ou trois subordonnés ; vous apprendriez quelles scènes son ami a eues avec lui sur tous ces objets. Il est trop vrai, et jamais on ne le sent assez, que la faiblesse de caractère et la rudesse du mode sont des défauts incommensurables chez les gens d’affaires, surtout quand ils se rencontrent, par une sorte de contradiction, dans le même sujet, comme chez L[anthenas].

Eh bien, Jany, j’ai vu cet homme, avant la Révolution, tout occupé d’études intéressantes et solides, doux dans ses mœurs, humain avec affection ; je l’ai vu deux et trois mois de suite à la campagne, chez moi, partageant mes soins pour les malades des villages voisins, soi-

  1. Ce morceau, publié par la première fois (avec des coupures) par Mlle  Cl. Bader (Correspondant du 10 juillet 1892), est aujourd’hui à la Bibliothèque nationale, ms. 4697, n. A. fr. Nous le donnons en entier, d’après l’original. C’est évidement la fin d’une lettre par laquelle Madame Roland envoie à Jany le manuscrit de ses Observations rapides sur l’acte d’accusation contre les députés, par Amar (Mém., I, 287-316). Les trois dernières lignes de la lettre le disent assez. Il suffit d’ailleurs de comparer le papier, l’encre, l’allure de l’écriture dans ce fragment et dans le cahier des Observations pour n’en pouvoir douter. Voilà donc trente pages des Mémoires qui nous ont été sauvées par Jany. — Les Observations sont datées du 25 octobre (elles devaient même l’être du 26). Ce fragment est donc, au plus tôt, du 26 ou du 27.