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années de la Correspondance, mais aussi parce qu’on y voit, sur le vif, les difficultés d’une publication inoffensive dix ans avant la Révolution.

Roland avait été chargé, en 1776, par Philibert Trudaine, d’une mission d’études commerciales en Italie. Il partit le 8 août 1776 et revint à la fin d’août 1777. Chemin faisant, il rédigeait sommairement ses notes de voyages, et les adressait à ses amis et parents, particulièrement à son frère Pierre, alors prieur du collège de Cluny, et à Marie Phlipon. À son retour, il s’occupa de rédiger ces notes pour en faire un livre ; il fut entendu que l’ouvrage serait imprimé à Dieppe, chez Dubuc, sous les yeux et par les soins des deux frères Cousin. Dès juin 1779, il est à l’œuvre (Join-Lambert, XL et XLI). Il semble qu’en septembre l’impression fût déjà commencée (ibidem, LXXXI et LXXXII). Le 8 novembre (ibidem, XCVII), il écrit : « On imprime mes lettres, elles me donnent de l’humeur ; une certaine mollesse de caractère, secouée uniquement par la dévotion, la serpe toujours à la main tremblante, me fait des échancrures ; j’en deviens plat ou gauche et je m’en indigne ». Cette sortie vise-t-elle un des frères Cousin ? C’est probable. Mais elle pouvait aussi s’adresser au censeur royal, l’avocat Houard, dont les frères Cousin avaient fait choix, et dont le nom va souvent revenir en cette affaire[1]. En tout cas, l’aigreur se met entre Roland et ses amis (Join-Lambert, 16 novembre, 10 décembre, 19 décembre 1779).

En 1780, l’impression se poursuit, mais l’ouvrage, bien qu’il ait été imprimé sous les yeux du censeur Houard, ne peut paraître tant qu’il n’aura pas été autorisé par l’administration des Affaires étrangères, en raison des passages concernant les États italiens ! Il faut donc attendre l’approbation du « Bureau pour les affaires de chancellerie et librairie ».

Impatienté, Roland envoie sa femme à Rouen et à Dieppe. Le 6 février 1781, il lui écrit, à Rouen : « Point de nouvelles de mes Lettres d’Italie… ». Le 11 février, il ajoute : « Dis-lui [à Cousin-Despréaux] combien je suis mécontent… Du reste, que veulent-ils que je leur mande au sujet du retard de la part des Affaires étrangères ? S’ils ne m’avaient pas procuré la connaissance de l’homme abominable qui me cause tout ce travers[2], homme que Platon, avec sa bonhomie, croit honnête, et qui est un gueux, je n’en serais pas là… il va

  1. David Houard, né à Dieppe le 25 février 1725, mort à Abeville le 15 octobre 1802, savant jurisconsulte, avocat au Parlement de Normandie, conseiller-échevin de Dieppe, associé libre de l’Académie de Rouen, membre de l’Académie des Inscriptions le 14 janvier 1785. Il figure pour la première fois cette année-là sur la liste des censeurs royaux (Alm. royal, p. 488) ; mais on voit ici que, déjà en 1780, il exerçait cette fonction.

    Son premier ouvrage avait été : Les anciennes lois des Français, conservées dans les coutumes anglaises, recueillies par Littleton, 1766, 2 vol. in-4o ; imprimé à Dieppe chez J.-B. Dubuc, par souscription (Abbé Corbet, Hist. de l’imprimerie à Dieppe, p.16). — Mais son ouvrage le plus connu est le Dictionnaire analytique, historique, étymologique, critique et interprétatif de la coutume de Normandie, Rouen, 1780-1782, 4 vol. in-4o.

    Roland, après l’avoir souvent maudit, ne s’interdit pas de le cultiver, car nous trouvons au ms. 6243, fol. 121, une lettre qu’il adresse de Lyon, le 6 mai 1787, à M. Houard, avocat, de l’Académie des Inscriptions, cloître Notre-Dame, à Paris, où il lui rappelle qu’il l’a vu à Paris en juin 1786 et le prie d’appuyer sa candidature au titre de correspondant de cette compagnie.

  2. L’imprimeur Dubuc.