bien à l’imprimeur d’être mécontent, le polisson, aussi bien que son patron[1]. Que ne m’avertissait-il, celui-ci, que sa censure et rien c’était la même chose, l’autre qu’il se mettrait en faute en imprimant sans permission, etc… »
Pendant ce temps, Madame Roland écrivait de son côté, de Rouen, le 28 janvier, qu’elle avait vu les amis Baillière et Justamont et appris par eux qu’il y avait des exemplaires des Lettres en circulation ; qu’il fallait craindre une contrefaçon : « qu’indépendamment des exemplaires de tes Lettres envoyées à MM. les Intendants du commerce et à ta famille, il y en avait en d’autres mains et que certainement on ferait une édition si la tienne tardait à paraître… ». Puis, le 15 février, elle écrit de Dieppe : « J’ai été chez Dubuc, qui me parait un personnage fort simple, ignorant même les lois de la librairie : il te livrerait ton édition si tu voulais la prendre ; je crois même qu’il lui ferait plaisir de s’en débarrasser. Peut-être, dans le cas de la publication, s’exposerait-il aux réprimandes, vu l’état des choses ; mais il ne s’en doute pas et serait homme, je crois, à imprimer le reste sans grande façon, malgré la défense de M. Houard, s’il recevait un ordre de toi. Mais ce que j’y vois de clair, c’est que tu peux retirer l’édition dans le cas où ce parti te semblerait convenable ».
Ainsi, en février 1781, il y avait une édition prête à paraître, dès que la censure des Affaires étrangères l’aurait permis, mais on voit que cette édition ne comprenait pas tout l’ouvrage.
En mai 1781, la suite de l’édition s’imprimait, et Michel Cousin, comme on va le voir, y insérait non seulement des citations italiennes, mais-encore de longs morceaux de sa façon : « Je crois lui avoir écrit suivant tes intentions, — mande Madame Roland à son mari le 21 mai 1781, — qu’il pouvait mettre ses observations sur la musique, sur Métastase ; Chiari et Goldoni en apostille à la lettre de Venise, comme d’un Vénitien amateur[2], afin de ne pas faire de suspension ni de couture dans ta lettre, mais en le priant sur toutes choses de mettre de la précision et de ne rien insérer autre, prose ou vers, dans tout le reste de l’ouvrage… » Puis, un peu plus loin, en parlant de Cousin-Despréaux : …« J’ajoute des recommandations de veiller sur le frère [Michel], dont la prolixité m’effraie toujours et à qui j’ai tenu la bride courte autant qu’il m’a été possible. On voulait réponse subito parce que l’impression va son train… ».
Enfin, en novembre 1781, le bureau de la librairie, que dirigeait Le Camus de Néville, maître des requêtes, se décide à lever l’interdit. « J’ai enfin la permission de mettre le livre en vente. J’ai en conséquence écrit sur-le-champ à Dieppe, » (Roland, 14 novembre 1781.) — « J’ai la permission signée de M. de Néville et j’ai agi en conséquence… » (ibid., 18 novembre). — « Au milieu de ces misères, je compte pour un plaisir sensible la délivrance de la permission. » (Madame Roland, 20 novembre.) — Roland écrit encore, le 28 novembre 1781 : « Je reçois une lettre de nos amies [Mlles Malortie], qui ont reçu la petite pacotille de Lettres imprimées d’Italie…, dont un exemplaire pour chacune, un pour Aristote, un pour M. Bail[lière], un pour l’Académie [de Rouen], et un pour M. de Cour[onne]. Aujourd’hui, il en arrive à Paris 125 exemplaires… »
En somme, on avait laissé imprimer l’ouvrage à Dieppe, mais aux conditions sui-