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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1428

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« M. Trudaine, qui aimait les arts, voulut que je voyageasse et approuva que, chaque hiver que j’allais à Paris pour lui rendre compte de mes recherches et de leur succès, j’en prolongeasse le séjour pour me fortifier, par l’étude de l’histoire naturelle, de la physique et de la chimie, dans les arts, tous fondés sur l’une et le plus souvent sur toutes les parties. « (Mém. des services.)

C’est dans ces séjours d’hiver à Paris qu’il travailla sous la direction du pharmacien-chimiste Jacques-François-Demachy (1728-1803). Dans ses Lettre d’Italie (t. IV, p. 47), adressé, comme on sait, à Marie Phlipon, il rappelle avec reconnaissance les cours de chimie « que j’ai suivis dans votre capitale, et dont je vous ai laissé les cahiers en partant : cahiers faits sous les leçons d’un homme qui me les a rendus chers par l’amitié qui les dicte de M. Demachy enfin… ». On verra, par la Correspondance (lettre du 23 novembre 1781), que Roland resta toujours en relations d’affectueuse confiance avec Demachy.

Rassemblons maintenant les nombreux renseignements qu’il nous fournit lui-même sur ses voyages en France et à l’étranger. Il ne connaissait encore que la Normandie, le Languedoc, et la Provence rapidement visitée en septembre 1766.

Mon premier voyage dans l’étranger[1] fut en Flandre et en Hollande, en 1768. Je recherchai principalement comment, dans les environs de Cambrai, de Valenciennes, de Saint-Amand, de Bruxelles, de Malines et d’Anvers on cultive, on rouit le plus beau lin du monde ; comment on le prépare, on le file, on le retord, on le Blanchit ; comment on l’emploie dans ces superbes dentelles qui portent le nom du pays où elles se font, dans les batistes et linons, et comment on blanchit des toiles. J’étudiai à Bruxelles ses fameux camelots, ses tapisseries plus anciennes ; À Malines, ses cuirs dorés ; à Anvers, ses étoffes de soie, la taille des diamants ; à Utrecht, ses satins, et, aux environs, ses velours ; à Amsterdam et à Sardam, une infinité de mécaniques et beaucoup de procédés ; à Harlem, ses toiles et toileries, et singulièrement ses blanchisseries magnifiques très renommées ; à Leyden, ses manufactures de draps, ses camelots, etc. ; le commerce en grand à Rotterdam comme à Amsterdam ; les toiles de Gand et de Bruges, les entrepôts d’Ostende et de Dunkerque, les filatures de Turcoing, de Lille, de Courtray ; les étoffes rases de Lille, de Roubaix, etc., le beau linge ouvré de Courtai ; la porcelaine de Tournay ; les fonderies de Douai, etc., etc.

Ce voyage eut lieu en août-octobre 1768, et la relation s’en trouve aux Papiers Roland (ms. 6242). Ses observations furent consignées dans des mémoires qu’il remit à son administration (Dict. des manuf., I, 87*, 60).

Avant son départ, il avait eu à s’occuper d’une question très importante pour l’industrie d’Amiens, l’établissement d’un second moulin à foulon (Inv. des Arch. de la Somme, C. 288, mars-août 1768). Audacieuse entreprise, car il fallait toucher aux privilèges du Chapitre, propriétaire de l’unique moulin existant (dans cette Ville manufacturière de 50,000 âmes !) et d’un droit de servitude sur la Somme. Aussi le subdélégué et l’Intendant hésitent-ils à pousser l’affaire. Roland saisit Trudaine, qui donne des ordres. Mais le Chapitre plaide,

  1. Mém. des services, de 1781, ms. 6243, fol. 31-43.