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suspension momentanée de la lutte. En tout cas, d’août 1773 à janvier 1774 (voir Lettres d’Italie, I, 150-179), il parcourt la Champagne, la Suisse, retourne à Ferney, où cette fois il ne peut voir Voltaire malade, mais est reçu par Mme Denis, puis traverse tout le Midi de la France (avec une pointe en Catalogne), et revient par les provinces de l’Ouest :

Je retournai en Suisse en 1773, par Troyes, dont je comparai les toileries, quant à la fabrication et au blanchissage, à celles de la Normandie et du Beaujolais ; à Chaumont, renommé par le travail de ses pelleteries, et à Langres, qui l’est autant pour sa coutellerie ; j’eus à m’arrêter quelque temps dans le Valengin et à Neufchâtel où j’observai avec un intérêt singulier les mécaniques ingénieuses et la municipalité des objets de main-d’œuvre qui y sont répandus et qui m’y avaient attiré. Je repassai à Genève, je traversai la Savoie ; j’allai visiter les fabriques du Dauphiné. J’avais vu celles de la Provence, des savonneries, etc., et fait des mémoires sur le commerce de France en Levant par la voie de Marseille. Je repassai à Lyon pour aller parcourir l’Auvergne et voir ses papeteries, sa coutellerie, ses manufactures d’étoffes, ses divers genres d’économie rurale, et le commerce très intéressant qui en résulte. Je portai le même esprit de recherche et d’observation dans le Rouergue, le Quercy, le Haut-Languedoc, la Gascogne, le Béarn ; j’avais vu le Roussillon, j’avais été dans la Catalogne où se trouvent beaucoup d’établissements utiles, et fourni des mémoires sur la réforme à faire dans la culture des laines des contrées en deçà des monts, les plus belles et les plus mal soignées de France.

Je revins par Bayonne, dont l’entrepôt réciproque, indépendamment de sa belle tannerie et de ses pêches, forme un genre de commerce très remarquable ; par ses Landes, susceptibles d’un intérêt auquel on ne semble pas avoir eu foi ; par Bordeaux, Saintes, Rochefort, La Rochelle, où les hommes, principalement à Bordeaux, sont sensiblement transmués par le commerce ; Niort, Poitiers et Tours, où je passai pour la seconde fois et où je pus remarquer, comme à Lyon, l’inconstance et la légèreté du goût dans les variétés et les progrès des arts ; enfin par Orléans, dont je considérai de nouveau la bonneterie commune, les belles raffineries de sucre ; passage d’ailleurs le plus fréquenté, entrepôt le plus considérable du Midi au Nord et du Nord au Midi de la France.

C’est en janvier 1774, qu’il est de retour, et c’est probablement en passant à Paris qu’il a remis sur le tapis, avec Trudaine, l’affaire des fabricants, car c’est seulement alors que le Ministre reprend la correspondance interrompue le 6 août 1773 :

Invent. des Archives de la Somme, C. 321. — Lettre de M. Trudaine à M. d’Agay. Il convient « que ces deux fonctions (la juridiction consulaire et la Chambre du commerce) exigent des connaissances de commerce que tous les fabricants n’ont pas, mais vous n’ignorez pas aussi qu’il en est plusieurs qui font le commerce de marchandises qu’ils ont fabriquées. Ces fonctions ne sont pas réservées seulement à ceux qui sont admis dans le corps des marchands, mais à tous ceux qui exercent le commerce, et les fabricants sont de ce nombre. Il n’est pas nécessaire pour cela qu’ils soient reçus dans le corps des marchands : il suffit qu’ils fassent le commerce et qu’ils se soient familiarisés avec les principes et les spéculations de cet état… Je vous prie de vouloir bien me mander ce qui en est ; je ne puis qu’insister très fortement sur cet objet vis-à-vis de vous, je le regarde comme un des plus utiles au bien du commerce du royaume ». Paris, 25 janvier 1774. — Lettre de l’Intendant à la Chambre du commerce, lui faisant part des observations de M. Trudaine, lui demandant de nouvelles réflexions sur cet objet et de lui marquer « s’il y a à Amiens des fabricants capables par leurs lumières dans le commerce d’entrer au Consulat et à la Chambre du commerce » 21 février 1774.