Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à tout me monde, même aux inspecteurs. — Elle ne le sera pas pour vous ; je vous donnerai des lettres ». Il les lui donna : l’une pour Sens, l’autre pour Rouen ; elles existent encore.

M. H. apprit l’ordre délivré par M. Trudaine ; il en sut le plus mauvais gré à l’inspecteur… en lui attribuant des ruses pour se procurer des renseignements sur l’Art des velours de coton ; il lui reprocha de l’avoir sollicité, quoiqu’il fût vrai que cette idée n’était pas venue à M. D.L.P…

Roland écrivit alors à Holker une lettre dont voici les principaux passages :


Paris, 30 mars 1776.

On m’a dit que j’avais violemment encouru votre animadversion… Je ne suis jamais entré dans aucun de vos ateliers, et je ne connais même personne qui ait jamais vu une seule opération de vos apprêts… Il y a plus, c’est que je n’ai jamais eu l’idée de m’y présenter. C’est M. Trudaine qui me l’a fait naître ; c’est lui qui me l’a proposé ; c’est lui qui m’a dit qu’il me donnerait des lettres, et qui me les a données… ; j’ai résisté à la proposition de M. Trudaine par des représentations ; il a insisté, c’étaient des ordres ; je dois aussi respecter ses motifs.

Holker, qui devait se trouver alors à Paris, répondit par une lettre de sept pages. Il est regrettable que Roland ne l’ait pas transcrite dans sa réponse, elle éclairerait le débat : nous savons du moins qu’elle se terminait ainsi : « Je n’aurais jamais cru que vous m’eussiez présenté tant d’obstacles en mon chemin, d’après les services que je vous ai rendus auprès de MM. Trudaine père et fils ».

Roland riposta aussitôt :


Paris, 1er avril 1776.

Je reçois en ce moment la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire aujourd’hui…

…Le sieur B. [Brown ?] ne savait rien ou presque rien lorsqu’il est venu à Amiens. Il m’a assuré cent fois n’avoir jamais pu entrer dans aucun de vos ateliers d’apprêts ; que c’était toujours porte dose… Il ne connaissait pas la mécanique à filer ; il n’en avait pas d’idée… ; je l’ai poussé, pressé à prendre des instructions à Amiens sur le battage, le savonnage et la filature du coton ; sur les marches, le tissage, la construction des métiers, etc… ; j’ai cherché à en faire autant, et je l’aurais fait bien plus efficacement, si je n’eusse cru réunir mes recherches aux siennes…

… Vous ne pouvez croire que M. Trudaine m’ait engagé à aller à Sens et à Rouen ? Il m’a cependant engagé d’aller à Sens et à Rouen… (Roland ajoute qu’il a offert à Holker fils de le lui faire répéter par Trudaine.)

Vous pensez qu’il est préjudiciable de répandre l’instruction ? Je pense qu’il est avantageux de la répandre. C’est différer d’opinion, voilà tout.

… Je ne veux pas, ni je ne dois pas supposer que la publication d’un Art que vous exercez vous affecte plus, et soit plutôt un crime pour celui qui s’en occuperait, que l’Art du drapier n’a affecté MM. de Sedan, ni déshonoré M. Duhamel[1]. Ils y ont concouru, Monsieur, et vous êtes de plus inspecteur général, et moi inspecteur particulier. C’est là une justification, je pense, si j’en avais besoin…

  1. L’Art de la draperie, par Duhamel du Monceau.