saires reste : il est aussi signé de M. de Montigny, et ce rapport est principalement fait sur l’Introduction ; il en rapporte la plus grande partie, souvent dans les mêmes termes : comment accorder toutes ces choses ?… »
L’autre lettre, datée du 25 septembre, est intitulée : Deuxième lettre, réponse à la précédente, par M. A.D.C. Ici, les initiales A.D.C., si vraiment on avait voulu par la désigner Condorcet, sont une manœuvre peu honnête. En tout cas, c’est une pure fiction, car la pièce est évidemment du même style, du même auteur que la précédente. Elle est d’une rare insolence : « Il faut mentir pour faire fortune ; il faut beaucoup mentir pour la faire considérable ; et le sieur Holker roulerait encore sa calandre, s’il n’eût excessivement menti… ».
Le libelliste soutient d’ailleurs que l’Académie n’a pas ordonné la suppression de l’Introduction ; c’est Roland qui, de lui-même, par égard pour quelques membres, l’a fait disparaître. « et ce n’est qu’à la modération de son caractère et à l’honnêteté de son âme qu’on doit la fin de cette affaire, à vrai dire très ridicule ».
« … Croyez encore moins à ce prétendu certificat de M. de Montigny, qui porte, dit Holker, que cet académicien a signé ce qu’il n’a point vu, qu’il n’a point vu ce qu’il a signè. Quoi ! il n’a pas lu son rapport, qui fait une plus longue mention de cette Introduction que de tout le reste ! Introduction et rapport copiés mot pour mot jusqu’à l’histoire du « calandreur de Manchester » dans le Journal des savants du mois de février, mars ou avril de cette année… Qu’a-t-on fait pour « le calandreur », en supprimant l’Introduction et en laissant subsister le rapport, si ce n’est de la faire deviner et de faire chercher la raison de sa suppression ? D’ailleurs, la supprimera-t-on de trois cents exemplaires déjà répandus, et qui par là-même seront recherchés dans les ventes ? La supprimera-t-on dans les éditions étrangères ? On s’en gardera d’autant mieux qu’on l’a supprimée dans celle de Paris. Supprimera-t-on l’histoire du « calandreur de Manchester » dans deux ou trois mille exemplaires du Journal des savants ? Et Holker n’est-il pas bien avisé de dire à tout le monde que c’est lui qui fut ce calandreur ? »
Puis l’invective continue :… « Je ne m’étonne plus de ce qu’on écrivait de Rouen, dans le temps, que nos gentilshommes, indignés, voulaient demander des lettres de roture, quand on lui en accorda de noblesse… ».
Le libelle se termine naturellement par un éloge de Roland : « … Il est laborieux, instruit, il a le cœur honnête, et il s’est indigné d’être détourné pour des bêtises ».
Il semble bien que, finalement, Holker n’ait pas eu la galerie pour lui. Mais son ressentiment pesa pendant plusieurs années sur la carrière de Roland. Nous en trouvons, dans les lettres de celui-ci, les traces trop visibles :
Il a écrit à sa femme, de Paris, le 14 novembre 1781 : « M. Lanthenas avait vu hier M. Tillet. Il lui avait dit que j’arrivais le jour même, ce qui me met dans le cas, avec quelque autre raison, de ne pas rendre public de sitôt l’écrit que tu sais. Je l’enverrai toujours à la première occasion, mais pour ne paraître que vers le temps de mon départ d’ici, où l’on y adressera ceux qui y sont destinés ». Il s’agit évidemment de la brochure intitulée : Lettres imprimées à Rouen en octobre 1781, et contenant d’abord les deux libelles de Baillière puis les quatre lettres de Roland à MM. de Montigny, Fougeroux et Tillet, que nous avons analysées plus haut.