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vant toujours, j’avais l’air de ne pas entendre : il a répété plus haut ; j’ai dit que j’étais fort enrhumé : à quoi il a répondu qu’il fallait nous rétablir, parce que nous avions à raisonner de quelque chose ensemble, et sur-le-champ il a parlé de ses bons témoignages pour M. Godinot et pour moi, etc. : que c’était ce f. b. de Brown. Finalement, tout en parlant, sans rien articuler, il est sorti en me disant qu’il ne me pardonnait pas encore. Tout cela avait été dit rapidement, en peu de mots mal exprimés, sans donner à personne le temps de rien dire, sans que personne ait rien dit. Lui parti, ces Messieurs en ont raisonné avec moi, d’où il a résulté que c’était affaire entre nous, à laquelle il paraît que personne autre ne met aucun intérêt. J’ai entendu qu’il disait, avant qu’il fût question de nos misères, que son fils devait revenir en France au mois d’août prochain… »

Madame Roland s’inquiète de cette rencontre, mais l’inspecteur s’empresse de la rassurer (6 février) : « Je t’ai raconté cette histoire comme je l’aurais fait d’une scène de comédie. Va, mon amie, ni le père, ni le fils, ni personne de la séquelle n’est redoutable… Puis, en recevant une lettre très effrayée (voir Correspondance, 4 février), où elle se tourmente de voir Holker sur la route d’Amiens, il lui écrit encore (7 février) … « Holker ! Eh bien, Holker, marchand de toutes choses où il y a à gagner, s’en va voir et acheter des marchandises pour faire passer aux Américains. Que veux-tu qu’ils me fassent, ou que je craigne ? Je redoute uniquement tes terreurs et nullement toute cette séquelle, que je méprise trop, et à laquelle je ne songe que parce que tu me la rappelles… ».

Nous ne voyons pas, en somme, à quelle date précise fut lancée la brochure imprimée depuis octobre 1781. Ce dut être dans le cours de 1782. Finalement, la querelle s’assoupit peu à peu ; nous ne rencontrons plus le nom de Holker dans la correspondance de Roland ou de sa femme qué très incidemment, par exemple le 19 avril 1784, où elle raconte que l’intendant Tolozan, dans l’audience qu’elle a eue de lui, en a dit encore un mot en passant, et le 4 mai 1786, où elle annonce la mort de leur ennemi.


§ 3. Le Dictionnaire des manufactures.

La grande Encyclopédie dont Diderot et d’Alembert avaient dirigé la publication, de 1751 à 1780, avait l’inconvénient d’être disposée par ordre alphabétique. Les Tables qui remédiaient dans une faible mesure à ce désordre des matières (2 vol., 1780] avaient à peine paru qu’un éditeur entreprenant, Panckoucke, résolut de refondre l’œuvre en la disposant par ordre de matières et en profitant de la circonstance pour remettre toutes les parties techniques au courant des progrès des sciences. C’était, en somme, une série de dictionnaires spéciaux à donner, sous le titre de : Encyclopédie méthodique par ordre des matières. L’œuvre, commencée par Panckoucke en 1782, continuée par son associé Agasse, et terminée seulement en 1832, un demi-siècle après, est un formidable monument de 166 volumes in-4o avec 51 volumes de planches.

Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), imprimeur, libraire, éditeur, homme de lettres, beau-frère de Suard, propriétaire du Mercure de France depuis 1778 et de plusieurs autres journaux, lanceur d’affaires hardi, aimable et heureux, fondateur du Moniteur en 1789, est le premier en date des grands éditeurs modernes. Garat, dans ses Mémoires historiques