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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1525

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Mais ce dessin ne tint pas, et Lanthenas semble bien ne s’être fait enregistrer que par précaution. Déjà, le 29 octobre, il parlait à Bosc de retourner à Paris ; le 15 décembre, il charge son ami de lui retenir un logement, « où je voudrais, dit-il, n’être pas aussi tristement que je l’étais à l’hôtel de Lyon » ; il annonce son départ pour le 1er janvier, mais avec l’intention de ne rester à Paris que jusqu’en juin [1786].

On va voir une fois de plus qu’il était de ceux qui laissent couler les heures et les jours. Ce départ, indiqué d’abord pour le 1er janvier 1786, n’eut lieu, en réalité, que le 19 (Roland à Bosc, 20 janvier 1786, coll. Morrison), et ce séjour à Paris qui devait n’être que de six mois, dura plus de quatre années. Roland connaissait bien son ami. En annonçant à Bosc son départ, il disait ; « Il s’en ira, ne sais trop comment, piano, piano… ».


§ 5. Retour à Paris (1786-1790).

Lanthenas avait prié Bosc de lui trouver une chambre « dans le quartier Saint-André-des-Arts, plutôt dans le voisinage du Pont-Neuf ». C’est pour cela sans doute qu’il alla demeurer rue Thévenot, 31, c’est-à-dire entre la rue Montorgueil et la rue Saint-Denis, plus près de Bosc, il est vrai.

Là commence la période la plus obscure de sa vie.

Sa mère meurt le 30 août 1786, son père le 23 août 1787[1], sans qu’il les ait revus. Roland écrivait à Bosc, le 15 septembre 1786 (coll. Morrison) : « Le pauvre Lanthenas a perdu sa mère. Avant de mourir, elle a fait pour lui comme qui dirait à peu près rien. Chacun veut y avoir part, et [je doute] en conséquence que ce soit beaucoup. C’est une pitié, tous fesse-mathieu… ». On peut présumer néanmoins que, tant par suite des avantages qu’on lui avait assurés en 1785 que par ce qu’il put recueillir de la succession de ses parents, Lanthenas gardait une certaine aisance. Dans une lettre à Bancal du 16 juin 1790 (ms. 9534, fol. 238), il déclarait posséder au Puy un bien de 15,000 livres, un capital de 24,000 livres dans une commandite chez un négociant de la ville (Mathieu Bertrand), sans parler des 15 ou 20,000 livres de bénéfices à retirer de sa liquidation. Les Lanthenas étaient des marchands riches et entreprenants pour l’époque. Ils expédiaient jusqu’en Amérique[2].

D’autre part, le docteur, tout en laissant des fonds chez Mathieu Bertrand, semble aussi s’être mis dans les affaires à Paris. Plusieurs allusions de la Correspondance donnent à penser qu’il était entré, probablement comme intéressé, pour y faire valoir sa « légitime », chez le fermier général Tronchin. Les lettres inédites de Roland à Bosc, de là collection Morrison, confirment cette conjecture : « Lanthenas ne nous a rien dit de sa grosse prospérité. Quoi qu’il en soit, je lui souhaite de tout mon cœur de la fortune. Je crois qu’il a assez de sensibilité et de philosophie pour n’en jamais abuser » (8 novembre 1786). — « Notre Crésus en herbe… » (18 décembre). « Je n’entends plus parler de ce docteur qui a déserté les drapeaux d’Esculape pour passer sous ceux de Mercure » (29 décembre). Mais Madame Ro-

  1. Arch. munic. du Puy, E, 98.
  2. Germain Martin, La grande industrie en France sous le règne de Louis XV, p. 250-253.