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Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1532

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teurs de la Feuille villageoise (Tourneux, 10571) ; lorsque la Chronique du mois se fondera, en novembre 1791, il en sera un des principaux collaborateurs. En même temps, il va aux Jacobins et, dès le mois de juillet, il y est nommé membre du Comité de correspondance. Il obtient même que, le 16 juillet, les Jacobins envoient à toutes les sociétés affiliées une adresse pour leur recommander son livre (Aulard, III, 21-24).

Mais, à ce moment même, il avait à jouer un rôle plus hardi. La Société des Jacobins ayant arrêté, dans sa séance du 15 juillet, d’adresser une pétition à l’Assemblée pour demander la déchéance de Louis XVI, Lanthenas fut, avec Brissot, Laclos, Réal, etc., un des six commissaires désignés pour la rédiger[1]. On sait comment cette pétition, rédigée par Brissot, mais altérée par Laclos, fut remplacée par une autre, œuvre de Robert et de Bonne-ville, qui amena la sanglante journée du 17 juillet au Champ-de-Mars. Les amis de Lanthenas, dans les jours de répression qui suivirent, songèrent un instant à lui faire quitter Paris (lettre 446 ; cf. au ms. 9534, fol. 254, une lettre à Bancal, qui doit être du 19 juillet).

Il existe au même manuscrit de nombreuses lettres écrites, en cette année 1791, par Lanthenas à Bancal. Elles permettent de le suivre dans son rôle de combattant. Il fut du petit nombre des résolus qui, après l’affaire du Champ-de Mars, empêchèrent la Société des Jacobins de se dissoudre. Il écrivait, le 19 juillet : « Je fus chercher hier Buzot, Pétion, Robespierre, pour venir aux Jacobins… ». C’est bien vraiment un sergent de bataille.

Cependant, les élections pour la Législative allaient avoir lieu. Lanthenas imagina de se présenter dans la Haute-Loire, bien qu’il n’y fût pas éligible. La Constitution de 1791 exigeait un an de domicile, et il y avait plus de six ans qu’il avait quitté Le Puy. On trouvera dans la Correspondance (lettres 456 et 457), ainsi que dans les lettres inédites dont nous venons de parler, des renseignements sur ce projet, qui n’aboutit pas et ne pouvait aboutir[2], mais dans lequel il nous apparaît tout à fait réconcilié avec ton frère aîné, dont il s’était plaint si souvent.

Battu de ce côté, Lanthenas revint à son projet d’acquérir un bien national en vue d’un établissement agricole. Cela ressort de plusieurs passages de la Correspondance et mieux encore d’une intéressante lettre adressée par lui à Bancal, le 14 octobre 1791 (ms. 9534, fol. 270), où il rend compte d’un petit voyage qu’il vient de faire « pour voir en Normandie une très belle abbaye, avec des terres autour, dans une vallée couronnée par la forêt, nationale de Lyons. Cette abbaye se nomme Mortemer… la maison serait excellente pour une éducation nationale… Il ne s’agissait pas d’un mince morceau : l’acquisition devait aller à 434,800 livres, et tous les apparts réunis de Bancal, de Roland, de Lanthenas, de Pigott, etc., auraient eu peine à y atteindre. Mais il évaluait le revenu minimum a 16,500 livres et ajoutait : « En faisant dans la maison une éducation nationale rurale, on pourrait aisément doubler ces produits ».

Ce projet resta en route, comme tous les autres. Nous avons dit que chacun des amis finit

  1. Mém. de Brissot, IV, p. 432 et suiv. L’éditeur a défiguré le nom de Lanthenas, qu’il appelle Lanttunat.
  2. Voir aussi les articles de M. Vissaguet, déjà signalés. Ils rendent très bien compte de la situation locale.