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par acheter de son côté. Lanthenas fit lui-même une acquisition, probablement dans les environs de Gisors, c’est-à-dire non loin de Mortemer (ms. 9534, fol. 293 et suiv.).

L’année 1791 se termina pour lui par un désagrément, comme il lui en arrivait souvent : un manuscrit, sur les origines historiques du droit d’aînesse, qui était comme le préambule de son livre de 1789, offert par lui en hommage à l’Assemblée législative le 4 décembre 1791, fut perdu « par la négligence inconcevable des secrétaires de l’Assemblée alors en fonctions ou par celle des bureaux »[1].

En 1792, son rôle parait grandir. Nous le trouvons plus souvent, sinon tout à fait au premier plan (il n’y convenait pas), du moins plus en lumière : dès le 30 décembre 1791, les Jacobins, où jusqu’alors il avait souvent de la peine à obtenir la parole (lettre 456), le nomment commissaire avec Bancal, Bosc et Tournon, pour organiser, dans l’intervalle des séances, des lectures et des conférences. Il prend la parole dans les séances des 6 et 9 janvier ; le 17, il entre de nouveau au Comité de correspondance avec Bosc, Bancal et Louvet ; le 24, il est nommé vice-président, avec Guadet pour président, Bancal et Louvet pour secrétaires. Le 15 février, nous le retrouvons au Comité de correspondance avec Bancal, Louvet et Roland. Le 29 février, il est député, avec Robespierre, Chabot et Bancal, pour représenter la Société aux matinées du dimanche, consacrées à l’instruction du peuple, que vient d’organiser la Société fraternelle du faubourg Saint-Antoine (Aulard, III, 303-418, passim).

Il fréquentait d’autre part au comité de la place vendôme, qui réunissait, chez Mme Dodun, Vergniaud et ses amis de la Législative, et c’est peut-être lui (voir ci-dessus, p. 418) qui y mit en avant le nom de Roland, quand on cherchait un ministre de l’Intérieur.

Quoi qu’il en soit, aussitôt le ministère de Roland constitué (23 mars) et la scission déclarée entre Robespierre d’une part, et de l’autre le ministère Girondin et ses amis, Lanthenas n’hésite pas à prendre parti. Nous avons déjà signalé (Avertissement de 1792) une lettre de lui, fort vive, où il se déclare pour Guadet et accuse Robespierre « de perdre la liberté ». Le champ de bataille, aux Jacobins, demeura à Robespierre. Mais Lanthenas transporte son action ailleurs. Il devient, plus que jamais, le factotum de Roland[2] auprès duquel il semble installé, sans titre officiel, comme un secrétaire particulier (voir ci-dessus, p. 401). Disons aussi le factotum du parti. À la veille du 10 août, une petite feuille royaliste (le Journal à deux liards), citée par les Goncourt[3], nous le montre régalant de bière et de liqueurs, au Caveau du Palais-Royal, les fédérés arrivant à Paris. Le jour de l’insurrection, c’est lui que Petion envoie deux fois, de la mairie à l’Hôtel de ville où siégeaient les chefs du mouvement, pour réclamer avec instances d’être « consigné » « par une force imposante », afin de sauver sa responsabilité[4].

  1. Page 135 de sa traduction des Droits de l’homme, de Thomas Paine, 1792.
  2. Le Patriote du 5 avril 1792 annonce la formation d’une Société économique, ayant pour président Hell (ex-Constituant), et comptant parmi ses membres, à côté de Roland, déjà ministre, l’inséparable Lanthenas.
  3. Hist. de la Soc. franç. pendant la Révolution, p. 189.
  4. Mémoires de Madame Roland, t. I, p. 291.