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simple, j’ai vu fondre en larmes ces deux dignes hommes, et je ne puis vous dire combien cette marque de la bonté de leurs cœurs m’a attaché à l’un et à l’antre… »


§ 2. À Lyon.

En 1773, Champagneux épousa une jeune fille de Lyon, Ursule-Adélaïde Brottin[1], qui lui donna deux fils et trois filles en douze années. Le souci de l’éducation de ses enfants le détermina à venir s’établir à Lyon vers la fin de 1785. Il s’y fit inscrire comme avocat[2]. Dès cette époque, il connut les Roland (Disc. prélim., p. xxvii). Mais c’est surtout en 1789, lorsque, probablement sous l’inspiration du duc d’Orléans, ou fonda à Lyon une Maison philanthropique[3], dont Blot, l’ami de Brissot, fut secrétaire général, et Champagneux un des administrateurs, que sa liaison avec les Roland devint plus intime.

Il continuait cependant à s’occuper des affaires de Bourgoin. Homme d’action et de sens pratique, il voulait garder sa situation et son influence dans le petit pays auquel l’attachaient ses origines et ses intérêts[4]. En août et décembre 1788, il se fit députer à ces célèbres assemblées de Romans où les États du Dauphiné tracèrent le programme des revendications nationales. Néanmoins, c’est surtout à Lyon qu’il eut un rôle : il y rédigea les cahiers de doléances de plusieurs corporations ; puis, le 1er septembre 1789, il fonda un journal, le Courrier de Lyon[5], dont l’influence fut très vite considérable, et auquel les Roland collaborèrent plus d’une fois (Disc, prélim., p. xxxiii). C’est avec lui que, le 30 mai 1790, dès cinq heures du matin, Madame Roland alla voir défiler, sur les quais du Rhône, les soixante mille gardes nationaux accourus des départements voisins pour célébrer la fête de la Fédération Lyonnaise, et c’est dans son journal qu’elle publia, sans signer, une relation de la fête, qui eut un succès retentissant, « Il en fut répandu, dit-il, plus de soixante mille exemplaires », chaque fédéré ayant voulu emporter le sien. Le Patriote français du 6 juin en donna plusieurs extraits, et les Révolutions de France et de Brabant, de Camille Desmoulins (n° 30), la reproduisirent in extenso[6].

  1. Née le 25 octobre 1754.
  2. Alm. de Lyon : « 1785, M. Derosière de Champagneux, place de la Baleine… ». Pour expliquer ces deux noms, il convient de dire que Rosière est le nom du domaine patrimonial de Donin, qui appartenaient alors à la branche aînée ; Luc-Antoine, de la branche cadette, possédait la terre de Champagneux, de l’autre côté d’une petite vallée. C’est en 1835 seulement que le château de Rosière a passé à la branche cadette. Il est habité maintenant par l’arrière-petite-fille de Champagneux, Madame Eudora Taillet, qui y conserve les souvenirs des Roland.
  3. Fondée en octobre 1789, Wahl, p. 115.
  4. Il dit, en 1793, que son revenu allait à trois mille livres de rente, provenant en partie d’un domaine qu’il cultivait. Mais, à ce moment-là, où il disait également « je suis né plébéien », il avait intérêt à se faire plus pauvre qu’il n’était.
  5. Le Courrier de Lyon ou Résumé général des Révolutions de la France, par M. Champagneux, avocat, Lyon, Aimé de La Roche, 1789-1791, in-8o, paraissant six jours par semaine, en livraisons de 8 pages ; premier numéro, 1er septembre 1789 ; dernier numéro, 9 février 1791. Mais, dès le 27 septembre 1790, Champagneux s’était retiré « pour raisons de santé ». (A. Vingtrinier, Histoire des journaux de Lyon, 1852, p. 16.)
  6. Elle fut même imprimée ailleurs. Nous en possédons un exemplaire, 8 pages in-8o, sous la rubrique « à Marseille, de l’imprimerie P. Antoine Favel ».